Islamophobie et ignorance
Ahmed Charau00ef

L’islamophobie en Europe n’est plus un phénomène marginal. Des organisations, comme Pegida, en Allemagne, s’en réclament ouvertement. Des penseurs de renom, mettent en cause, sur les plateaux télé, non pas des interprétations extrémistes, mais le texte du Coran lui-même. Ce faisant, ils sont les alliés des radicaux, qui refusent la contextualisation du texte. La spécificité de l’islam, c’est que le Prophète Mohamed a construit un Etat, ce que ni Moïse, ni Jésus n’ont fait. Or, à cette époque, la conception de l’Etat était impériale, s’inscrivant dans une vision conflictuelle des relations avec l’autre. Plusieurs théologiens plaident depuis des décennies pour une réforme du « fiqh » dans le sens d’une adaptation aux réalités de la mondialisation qui n’ont plus rien à voir avec l’ère des conquêtes. Ignorant ces débats au sein de l’Islam, plusieurs « penseurs » préfèrent caricaturer cette religion, en citant, hors contexte des versets, ou pire en s’appuyant sur des interprétations extrémistes des théoriciens de l’Islam radical, pourtant fort minoritaires.

L’émigration, par la force des choses, est au centre de ces débats. C’est hallucinant, mais le prisme pour traiter la question devient confessionnel. « S’ils ne s’intègrent pas, c’est parce qu’ils sont musulmans » ou encore, « Pour s’intégrer, ils doivent s’affranchir de la religion », peut-on entendre de la bouche d’hommes politiques. C’est sidérant, c’est de l’essentialisme qui confine au racisme.

Car les problèmes de l’intégration sont des problèmes objectifs. C’est une population ghettoïsée qui vit isolée, sans accès aux services publics, et parfois même aux commerces nécessaires et donc à une vie normale. Ensuite, il y a l’échec de l’école, les difficultés d’accès au marché de l’emploi, l’abandon des fonctions régaliennes de l’Etat. Tout cela a laissé se développer des zones de non droits. N’importe quelle population, quelque soit son origine, mise dans ces conditions, ne peut totalement s’intégrer dans une société riche comme la France.

Il faut bien comprendre que l’islamophobie et le terrorisme sont les deux mamelles de la même bête féroce. C’est elle que certains désignent par le choc des civilisations et que d’autres appellent de leurs voeux. Les hommes épris de paix, de concorde, adhérant aux valeurs universelles, ont une lourde responsabilité. Il ne s’agit pas de redire des phrases toutes prêtes, mais de convaincre, d’expliquer, en s’attachant à la laïcité, à la sécularisation de toutes les religions.

C’est un travail qui ne peut s’accomplir qu’en combattant l’ignorance. On a vu de soi-disant penseurs mélanger fondamentalistes, salafistes et salafistes jihadistes. Or il s’agit de trois tendances, dont seule la dernière appelle à la violence.

Le combat contre l’islamophobie doit revêtir un caractère principiel, parce qu’il conditionne l’avenir de tout le pourtour méditerranéen.