« Notre priorité c’est l’Espagne, pas le Maroc »
Manuel Fernandez Responsable du QG de Podemos u00e0 Madrid

'Le responsable du QG de Podemos à Madrid nous a reçus au siège du parti, situé au 21 rue Zurita, quartier Lavapiés, pour un entretien exclusif.'

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Pouvez-vous résumer brièvement le programme de Podemos ?

Manuel Fernandez : Notre idée principale est que l’Etat doit aider les personnes qui sont le plus dans le besoin. Nous ne souhaitons pas renflouer les banques ou donner des terrains aux multinationales pour établir « leurs commerces », …Notre principale préoccupation est le citoyen d’abord. Dans notre programme qui mènera à des élections nationales, nous avons 2 priorités : la création d’une banque nationale -qu’on avait auparavant mais qui a été cédée à une banque privée- et l’instauration d’un système d’enseignement et de santé entièrement public et gratuit pour tous. La première étape à franchir pour le moment, si on prend l’exemple d’une municipalité ou d’une région autonome dont l’électricité est coupée, il faut la lui rétablir gratuitement.

Comment allez-vous financer cette augmentation des dépenses publiques ?

Les municipalités qui donnent des terrains aux multinationales doivent recouvrer le prix de ces terrains. Les grandes fortunes en Espagne qui paient peu d’impôts doivent payer leur dû à l’Etat. Le plan de sauvetage bancaire a coûté 45 millions d’euros. Les coupes budgétaires ont été de 7 millions pour l’enseignement et 15 millions pour la santé, ce qui représente la moitié de ce qui a été offert aux banques. Il y a beaucoup à récolter si la volonté existe. Prenons le cas de la Grèce, On y a déjà trouvé le moyen de financer gratuitement de l’électricité à 300 000 personnes. C’est une question de volonté politique. Le PP et le PSOE ne comprennent pas cette autre manière de faire de la politique. Ils font de la politique afin de pouvoir intégrer ces entreprises une fois leurs carrières terminées. Leur méthode c’est le copinage : tu me pardonnes, je te pardonne. En Espagne, nous payons l’électricité très cher. Elena Salgado est dans Iberdrola, Aznar et Acebes sont à Endesa et perçoivent des salaires très élevés, tandis que les Espagnols payent cher l’électricité.

Pensez-vous gagner les élections générales fin 2015 ?

Oui, absolument. En Andalousie, par exemple, les sondages nous accréditent de 15%. En Espagne, le scrutin se décide entre le vendredi et le samedi avant les élections. Les gens qui ne savent pas pour qui voter ne vont pas voter pour le PP ou le PSOE. Ils ont beaucoup plus d’options, soit ils restent chez eux, soit ils votent Podemos. En Andalousie, nous obtiendrons entre 25 et 28%, à Madrid, nous allons gagner, c’est sûr.

Si vous gagnez, mais sans avoir la majorité absolue, avec qui pourriez-vous vous allier ?

Cela dépend du bureau politique car tous les pactes gouvernementaux sont votés par les militants. Je crois que ceux qui veulent se joindre à notre projet sont les bienvenus et ceux qui n’y adhèrent pas ne doivent pas compter sur nous.

Lors des élections municipales qui se tiendront en mai 2015, vous vous présentez sous la bannière d’autres partis. Pourquoi ?

C’est un problème d’organisation. Nous n’avons pas d’argent, pas de subventions et dans beaucoup de régions, nous n’avons pas la capacité organisationnelle de faire une liste et aller aux élections. Nous ne voulons pas que les inscrits dans ces régions se sentent méprisés. Nous avons décidé qu’en Espagne, là où vous allez, vous repartirez avec un groupement électoral. à Madrid, nous avons conclu un accord avec Ganemos, avec un regroupement de partis, des ONG, des mouvements de citoyens ...

Le projet que vous défendez en Europe revêt un caractère plus social, mais plusieurs pays s’y opposent comme l’Allemagne par exemple. Comment allez-vous gérer cela ?

Nous ne sommes pas anticapitalistes, nous ne voulons pas d’une économie communiste, nous n’avons jamais dit cela. Ce sont des propos tenus par les médias. Nous avons commandé un projet économique à deux économistes, Torres et Navarro et c’est ce que nous allons présenter lors de l’élection générale. Il est inspiré des économies des pays d’Europe du Nord comme la Norvège, la Suède et le Danemark. L’Union européenne, sans demander l’avis à aucun européen, a décidé que la dette de chaque Etat sera donnée aux banques privées. La Banque centrale européenne (BCE) a donné un taux d’intérêt de 0,5% à ces banques et c’est à elles de décider quel est le pourcentage de recouvrement pour chaque pays. Ils l’ont fait parce qu’ils ont des amis dans ces banques privées. Nous voulons changer cela, mais nous n’avons que 5 députés sur 700. Nous ne pouvons donc rien changer. En décembre, Pablo Iglesias a lancé une motion de censure contre Jean-Claude Juncker à cause du scandale de son pays qui a baissé les impôts des multinationales afin d’obtenir des bénéfices. Est-ce que le président de l’Union européenne a manqué à son devoir ?

Podemos mettra t-il fin au bipartisme ?

Sans appartenir à aucune institution espagnole, nous avons changé beaucoup de choses. Nous tenons par exemple les comptes, les factures, l’argent, les revenus, les dépenses, ... et ce, depuis avril. Le PSOE l’a mal fait en septembre, mais il l’a fait quand même, comme l’État d’ailleurs.

Qui finance Podemos ?

Nous vendons des T-shirts, des tasses, à travers le web....

Fin 2013, Juan Carlos Monedero, le numéro 3 de Podemos a reçu de l’argent du Venezuela et a été accusé de fraude fiscale. L’argent perçu servira t-il à financer Podemos ?

Non, ici nous sommes habitués à ce que les politiciens vivent seulement de la politique. Les dirigeants de Podemos sont des professionnels et ils ont leur propre travail. En tant que politicien, Monedero a réalisé une étude sur la monnaie unique bolivarienne. Quel crime y a-t-il à demander 425 000 € en contrepartie de votre travail ?

Comment Podemos perçoit-il la relation entre l’Espagne et le Maroc ?

Ce n’est pas notre priorité. Si nous accédons au pouvoir, nous allons d’abord maintenir des contacts bilatéraux et essayer de trouver des solutions aux conflits comme le Sahara. Personne ne trouvera une solution toute faite. En politique étrangère, nous allons faire peu de choses, car notre priorité, c’est l’Espagne. Je ne crois pas que nous changerons d’ambassadeurs. Nous avons des choses plus importantes à faire en Espagne.

Comment allez-vous résoudre le problème de l’immigration à Ceuta et Melilla ?

Nous sommes des citoyens du monde. Toute personne devrait vivre là où elle le souhaiterait sans trop de bureaucratie. La question des visas me dépasse. Il n’y aurait pas de démocratie si on ne pouvait pas aller ailleurs !

Allez-vous repenser la coopération contre le terrorisme ?

Toute coopération pour éliminer les terroristes est la bienvenue. La coopération doit être chaque fois meilleure et plus étroite. D’un autre point de vue, nous avons remarqué une restriction des libertés. Et nous refusons cela. Nous ne voulons pas que soit interdite, par exemple, la recherche dans les pages web des sites djihadistes, c’est une restriction des droits. Nous devons sauvegarder la sécurité publique, mais pas au détriment d’un droit fondamental. La police dans la rue demande des documents aux immigrants, c’est du racisme. Tout Espagnol pourrait être un terroriste et se cacher derrière les immigrants ; et ce sont ces derniers qui paient les pots cassés. Donc, ce n’est pas la solution.

Le PP a accusé Podemos de soutenir l’ETA. Comment réagissez-vous à cela au sein du parti ?

Nous condamnons tous les actes de terrorisme. Toute cette controverse vient du fait que lorsque l’ETA était plus active, il y avait des gens qui ont hébergé dans leurs maisons ces membres sans savoir qu’ils étaient des terroristes et la police a arrêté ces personnes et les a accusées de collaborer avec les groupes armés. Pablo Iglesias a dit que ces gens là devraient être amnistiés. Les médias sont achetés par des groupes politiques, c’est pour cette raison qu’ils inventent des choses pour nous attaquer ✱