« Avec le Maroc, le pragmatisme s’imposera à Podemos »

'Grand spécialiste espagnol des relations internationales, Carlos Echeverría Jesús analyse notamment l’approche actuelle et future de Podemos envers le Maroc.'

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Si Podemos gagne les élections législatives fin 2015, quel impact cela aurait-il sur les relations marocoespagnoles ?

CARLOS ECHEVERRIA : Podemos parle beaucoup des relations avec le Maroc, mais j’espère que le pragmatisme prévaudra. L’importance des relations maroco-espagnoles ne peut pas être soumise à des fluctuations idéologiques. Nous l’avons observé dans l’histoire de la démocratie espagnole, lorsque les partis de droite ou de gauche étaient au pouvoir. Donc, si un parti radical de gauche arrive au pouvoir, il ne changera pas nécessairement cette politique de pleine coopération avec le Maroc.

Si le parti arrive au pouvoir, soutiendra-t-il l’indépendance du Sahara et le Front Polisario ?

C’est facile à dire quand on est dans l’opposition. Mais une fois arrivé au pouvoir, je ne pense pas que cela se produira sauf s’il y a un gouvernement de coalition. Il y a un certain nombre d’entraves à appliquer ces principes aussi strictes. Le droit international reconnaît comme acteurs le Royaume du Maroc mais aussi le Front Polisario, avec l’accord de cessez-le feu et le traité de paix qu’ils ont signé ainsi que les protocoles juridiques internationaux du référendum, rendant la situation difficilement changeable. Le processus politique, diplomatique et juridique pèsera dans la balance et fera de telle sorte à maintenir une position d’équilibre. Soutenir le Front Polisario est très facile à dire dans l’opposition, mais très difficile quand vous avez des responsabilités au sein du gouvernement. Les relations avec le Maroc sont plus importantes que les principes qu’ils souhaitent appliquer au conflit du Sahara.

Ils disent également qu’ils vont essayer d’exporter le modèle du printemps arabe au Maroc. Est-ce possible ?

Cela serait une catastrophe. Si vous analysez vraiment la composante sociale marocaine, vous vous rendrez compte que ce n’est pas une bonne idée.

Au départ, Podemos voulait restituer Ceuta et Melilla au Maroc, mais ensuite il s’est rétracté. Pourquoi ?

Agir de cette façon est un comportement totalement irresponsable quand on évalue la situation. En terme géographiques, Ceuta et Melilla ne sont pas totalement espagnoles, mais il faut peser les conséquences de céder ces territoires à un pays avec lequel ils ont ou auront une affinité. Ceci invite à plus de pragmatisme et à mieux considérer les choses.

Il propose également d’enlever les clôtures de Ceuta et Melilla et abolir les frontières.

Ceci ne peut pas s’appliquer en termes d’exercice gouvernemental. C’est le cas de leurs frères grecs, lors de l’analyse de ce qu’ils pouvaient faire avec la dette et des relations avec l’Union européenne. Les choses ne sont pas si simples, car il existe des engagements avec les partenaires de l’Union européenne et que, dans l’analyse des conséquences à court et à moyen terme, ils se rendront compte qu’ils ne seront pas viables.

Le parti souhaite aussi arrêter la coopération antiterroriste et sécuritaire entre les deux pays.

Cela est moins évident pour ceux qui semblent ne pas être d’accord avec ceux qui soulèvent les objections de politique étrangère. Ce n’est que lorsque vous arrivez au pouvoir et que vous recevez un certain nombre de rapports de renseignement que vous n’aviez pas auparavant que vous pouvez reconsidérer les choses. La menace terroriste est évidente pour ceux qui l’analysent à partir de sources indépendantes. Pour ceux qui n’ont pas ces informations, c’est difficile de les convaincre de la nécessité de collaborer avec le Maroc.

Ces mesures ont-elles un caractère économique ou idéologique ?

Je doute qu’il puisse y avoir un tel calcul, mais ce serait en effet une possibilité qu’ils soient financés par d’autres puissances, comme les lobbies algériens, pour déstabiliser le Maroc. Mais j’en doute, parce que leur façon d’analyser et de définir les situations politiques est plutôt le résultat de l’idéologie et d’une certaine irresponsabilité. Je pense qu’ils procèdent d’une pensée radicale avec une vision erronée des intérêts de l’Espagne.

Si Podemos dispose d’une majorité relative, avec qui pourrait-il s’allier ?

Évidemment, ils vont essayer de négocier avec les partis de gauche, que ce soit au niveau national ou régional. Jamais Podemos ne pourra se rapprocher de formations politiques de droite ou du centre ✱