Ras le front
Ahmed CHARAI

Le Premier ministre français craint que son pays « se fracasse sur le Front National ! » La montée de l’extrême droite est inexorable depuis 2012. Ce qui s’est déjà fracassé, c’est le mur idéologique. Les idées de Marine Le Pen sont banalisées, reprises et « makettées » par de soi-disant penseurs comme Finkielkraut ou Eric Zemmour. Pire, c’est elle et son adjoint, Florien Philippot, qui fixent l’agenda médiatico-politique, les autres ne sont que dans la réaction. Les postures idéologiques ne tiennent plus. Non pas que Marine Le Pen ou le front national soient aseptisés, mais parce que le discours de la gauche et la droite républicaine manque de clarté et de force. Par conséquent,il n’est plus audible.

Tous les sondages le montrent, ce ne sont plus uniquement les questions d’immigration, d’islamophobie et d’insécurité qui font le succès du FN. Ce n’est même plus un vote sanction, c’est un vote d’adhésion à un projet souverainiste, anti-européen et surtout anti-récession. Le discours anti-européen est porté par le sentiment général qu’il y a une bureaucratie à Bruxelles, qui réclame toujours plus aux plus faibles et sert les intérêts des plus riches. Evidemment que c’est faux. Le Français lambda croit dur comme fer que l’UE impose les restrictions budgétaires et les impôts qui vont avec. Le projet souverainiste surfe sur ce sentiment. Quant à l’anti-récession, c’est juste une blague. Le retour à l’ancienne monnaie ruinerait les Français et plongerait le pays dans une crise ingérable. Le FN n’a pas de solution. Il propose juste des slogans. Le problème c’est qu’en face, c’est la position idéologique, totalement non crédible, qui règne.

Or, elle est inopérante.

Depuis 2008, gauche et droite se sont cassées les dents sur le problème de chômage. Même quand on annonce une reprise fébrile, cela ne se traduit même pas par une stabilisation du taux de chômage. Il n’y a plus de lien, de corrélation entre la performance économique et l’emploi. Cela nécessite la remise en cause du modèle dans son ensemble. Mais pour le moment, la gauche tente un Mix-Libéralo-Keynésien, et la droite ressort les thèses de Friedman. Les deux seront-ils d’un quelconque secours ? pas trop sûr. La montée du FN s’explique par cette incapacité à faire un dessein aux français, à leur proposer un nouveau projet social où les sacrifices de tout un chacun devraient participer à un mieux collectif. Des problèmes tels que l’insécurité, ce que Valls a appelé l’apartheid et ses conséquences, ne peuvent être traités sans cette vision d’ensemble.

Il est probable que le mode de scrutin empêche le FN de gouverner. Mais même cette digue ne tiendra pas éternellement. C’est en répondant aux attentes des Français que les « républicains » pourront faire barrage à la vague bleue-marine. Sûrement pas en cherchant à culpabiliser un électorat populaire, bafoué depuis le référendum de Maastricht.