La fracture
Ahmed Charau00ef

Les élections départementales françaises ont livré leur verdict. La Gauche perd pied, comme cela était attendu. à la réflexion, ce courant de pensée est en recul partout. La Gauche gouvernementale, celle qui veut s’accommoder des lois du marché, est laminée électoralement. Il y a un vrai débat dont on ne voit que les prémices.

On se rend compte qu’une redistribution généreuse est possible en période de croissance, pas en période de récession. Dès lors, les couches populaires se détournent de cette Gauche-la, parce qu’elle ne porte plus l’aspiration égalitaire, et recherchent d’autres voies.

Ce qui est inquiétant, ce n’est pas la défaite de la Gauche, aussi retentissante soit-elle. Mais que plus de la moitié des électeurs inscrits ne se sont pas déplacés et que le quart de ceux qui l’ont fait ont voté front national. Un vote

« subversif » de rejet des partis traditionnels, qui ont alterné l’exercice du pouvoir. C’est une vraie fracture entre les élites dirigeantes et le peuple, qui s’exprime par le bulletin de vote.

Il faut être myope pour ne pas voir dans ces élections, après celles de la Grèce, les régionales en Espagne, un  hénomène englobant toutes les démocraties, qu’elles soient matures, ou en construction.

Au Maroc, nous préparons des élections communales. Au cas où on l’aurait oublié, celles-ci se situent dans un contexte, un choix, de décentralisation poussée, de régionalisation avancée. Quel est le débat qu’on nous impose ?

Qui a demandé le report des élections. Le Ministre de l’Intérieur a été obligé de publier un communiqué pour dire que les partis de l’opposition ne sont pas à l’origine du report, ce que le chef du gouvernement avait coutenu publiquement.

Cela intéresse qui ? Pas grand monde !

Nous savons tous que les dysfonctionnements des collectivités locales sont énormes. Il y a très peu de majorités  cohérentes et les présidents sont en négociation permanente durant toute leur mandature. Or, ces institutions gèrent la vie quotidienne des gens. Aucun parti ne propose une approche de la ville, une vision de l’urbanisme. Ils sont tous à la recherche d’une tête de liste apte à rallier les suffrages.

Dans notre cas, ce n’est pas de la myopie, c’est du suicide.

L’abstentionnisme, alors même que l’on sait que des millions d’électeurs potentiels ne sont pas inscrits, sera plus fort. Le débat public, transformé en foire à insultes, a fini par dégouter les Marocains. Ils ne se sentent pas

concernés par ce flot de petites phrases, dont le niveau baisse chaque jour. Pourtant les enjeux sont énormes.

Va-t-on enfin enrayer le phénomène de la ruralisation des villes ? Va-t-on enfin développer des projets de Cités ? La fracture au Maroc est plus forte, parce que les citoyens se désintéressent, en majorité, de la politique. C’est aux

partis de réagir, en orientant le débat public vers les projets, s’ils existent !