Une Approche légaliste mais ferme
Ahmed Charau00ef

Nous publions une interview de celui qui a été nommé à la tête de ce que d’aucuns ont appelé le FBI marocain. Ce nouvel outil répond en fait à deux soucis, qui ont présidé à l’approche marocaine dès le lendemain du 16 mai 2003. Dans le discours royal, suivant cette tragédie, la vision était claire. Si le terrorisme doit être combattu avec la fermeté la plus absolue, ce combat doit se situer dans le cadre légal, dans le respect de l’Etat de droit. Le Maroc a ainsi adopté des lois anti-terroristes dès l’été 2003, pour justement étendre les moyens légaux de l’investigation. La recherche de l’efficacité est vitale dans ce combat, qui met les nations face à la barbarie. Toutes les démocraties confrontées au terrorisme ont eu ce débat. On le voit actuellement en France, où un projet de loi offrant plus de latitude aux renseignements est discuté au Parlement. Le débat porte essentiellement sur le contrôle parlementaire de cette extension de moyens, et non pas sur le principe lui-même, car il s’agit de la protection des citoyens, fonction régalienne de l’Etat.

La vision préventive du Maroc a fait ses preuves et reçoit un flot d’éloges des pays amis. Sous l’impulsion du Souverain, l’Etat a tenu à ce que le travail des sécuritaires soit parfaitement encadré par la loi. Ainsi, dès le début, l’ancienne DST, l’actuelle DGST a été dotée des pouvoirs de police judiciaire, pour que les procès-verbaux soient recevables auprès des tribunaux. Cela facilite aussi la coopération judiciaire avec les pays européens, sourcilleux sur les points de droit.

En créant le Bureau Central des Investigations Judiciaires (BCIJ), c’est le même double objectif qui est fixé. La recherche de l’efficacité, en centralisant la lutte anti-terroriste, en coordination avec tous les services de police, d’une part. La conformité avec les législations en vigueur, le respect des droits des suspects et des libertés individuelles d’autre part. L’Etat de droit et son respect, ce n’est pas un luxe. C’est le meilleur moyen de s’assurer l’adhésion de la population à la guerre contre le terrorisme. Cette adhésion est nécessaire, parce qu’il s’agit d’un conflit de longue durée, où le risque zéro n’existe pas.

C’est cette adhésion qui permet des avancées sur les autres fronts, celui de la recomposition du champ religieux en particulier. La vision marocaine est globale. Dès le début, le Roi Mohammed VI a tenu à ce que la construction démocratique ne soit en rien retardée par le phénomène terroriste. La création du BCIJ s’inscrit dans la même logique, celle de la suprématie de la règle de droit, même face à des menaces barbares. L’ouverture sur la presse nationale traduit un désir de transparence, essentiel à l’adhésion citoyenne à ce combat. C’est la particularité de l’approche marocaine, et c’est probablement ce qui fait sa réussite.