« Eclairons cet épisode de l’histoire marocaine! »
Carole Castiel, Pru00e9sidente du Cape Verde Jewish Heritage Project

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Quelle est le but de cette nouvelle visite au Maroc ?

Carole Castiel : Les Juifs sépharades du Cap-Vert, sont, comme vous le savez, originaires du Maroc. Leurs liens avec le Royaume sont directs et indissociables. Il nous faut donc souvent revenir à la source pour interroger les archives de ces familles et rencontrer des académiciens qui puissent nous éclairer sur cet épisode de l’histoire commune entre le Maroc et le Cap-Vert. Nous avons ainsi pu rencontrer de nouveau Monsieur André Azoulay, qui a soutenu notre projet dès son éclosion, l’historien et chercheur spécialiste du judaïsme marocain Pr Mohamed Kenbib, la conservatrice du Musée du judaïsme marocain à Casablanca Mme Zhor Rehilil et consulter les archives de la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc (BNRM) à Rabat. Nous tenons encore une fois à témoigner notre reconnaissance pour la contribution de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à la restauration des cimetières juifs marocains au Cap-Vert. Notre prochain objectif, après la réfection de tous ces cimetières, est de collecter les fonds nécessaires pour poursuivre les recherches documentaires et les interviews avec les descendants de ces familles afin de publier un livre sur l’histoire de ces Juifs marocains et leur contribution à la société capverdienne.

[caption id="attachment_14915" width="300"] Angela Sofia Benoliel Coutinho, Docteure en histoire d’Afrique contemporaine-Université nouvelle de Lisbonne[/caption]

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : La recherche de nouvelles opportunités économiques était-elle l’unique raison de l’immigration vers le Cap-Vert de ces Juifs marocains ?

Angela Sofia Benoliel Coutinho : Je suis justement en train d’approfondir mes recherches à ce sujet. En effet, j’ai démarré en janvier 2014 une recherche sur les archives au Portugal, au Cap Vert, en Angleterre et à Gibraltar pour essayer de mieux comprendre l’histoire, l’ampleur et le poids de cette communauté juive marocaine qui s’est installée au Cap- Vert au milieu du 19ème siècle, surtout à partir de 1860. Cette migration était-elle liée uniquement au traité commercial du Portugal avec l’Angleterre ou également à la morosité économique conséquente à la guerre du Maroc avec l’Espagne et à des épisodes de persécution dans certains mellahs ? Tout ce que l’on sait pour l’instant, c’est qu’il y avait des raisons multiples et complexes derrière ces départs. Mais aussi que cette migration vers l’archipel capverdien est probablement liée à une autre vague migratoire judéo-marocaine qui s’est installée à la même période en Amazonie au Brésil, au Portugal continental, dans d’autres iles atlantiques comme les Açores ou l’île Madère et dans une moindre mesure en Angola et dans l’archipel de São Tomé et Principe. La plupart de ceux qui sont restés au Cap Vert étaient des commerçants, mais il y avait aussi des exploitants agricoles qui ont prospéré grâce à la culture du café notamment. Certains se sont mariés à des femmes juives marocaines, d’autres se sont liés à des capverdiennes de confession catholique et ont laissé une descendance. Il y a aujourd’hui une quinzaine de familles au Cap-Vert qui portent un patronyme juif marocain. Je suis moi-même descendante de la famille Benoliel. Mes aïeux, Abraham Benoliel et son épouse Esther Benattar, étaient originaires de Rabat et se sont installés sur l’île de Boa Vista.