Maya-Ines Touam « Je veux remettre la femme arabomusulmane à sa juste place »

'A travers son installation « Iconodoule » montée à l’occasion de la 1ère édition de la grande exposition d’art contemporain africain, Arkane Afrika*, la jeune artiste plasticienne franco-algérienne flirte subtilement avec le sacré et présente le voile comme un patrimoine culturel qu’il faut sauvegarder.'

Si pour monter sa pièce, Maya-Ines Touam a choisi un paravent en Plexiglas, ce n’est pas un hasard. Car, qu’y a-t-il de mieux que des murs et des cloisons pour évoquer l’histoire des voiles? Un support qui, selon l’artiste, n’a d’intérêt qu’à travers sa transparence et qui, en faisant communiquer ce qui est séparé, révèle l’ambivalence de la femme arabo-musulmane. Autour d’une figure iconique ambiguë et à peine visible, la jeune plasticienne invite ainsi le spectateur à se balader et suscite une réflexion sur l’imaginaire religieux et les stigmates qu’on lui inflige souvent. Une manière aussi pour la photographe de dénoncer avec humour l’entre deux dans lequel ces femmes se situent, placées entre sacralisation et menace. Dans son oeuvre, le voile, patrimoine immatériel des pays du monde arabo-musulman, se veut également un objet traditionnel et sociétal musulman mais appartenant aux minorités géographiques.

L’observateur du Maroc et d’Afrique . Quel message voulez-vous passer?

Maya-Ines Touam : à travers mon installation, je veux montrer que le voile est, avant tout, un patrimoine culturel; d’ailleurs, tout le travail que j’ai monté en amont en France, était en réaction à la stigmatisation qu’on a fait de lui, à sa diabolisation et sa récupéation à des fins politiques, surtout en Europe. Je pense qu’au-delà de son côté religieux, le voile peut être traditionnel et esthétique. C’est une manière, pour moi, de remettre la femme du monde arabo-musulman à sa juste place. L’installation que j’ai réalisée, à la Cathédrale du Sacré coeur de Casablanca, et qui concerne différents régimes visuels liés au voile a été pour moi un sacré challenge. Il s’agit d’un paravent transparent autour duquel le spectateur peut se balader et où sont imprimées cinq images de femmes portant le hijab, un jilbab plus exactement, mais de manière très iconique, comme si c’était une madone qui le portait. C’est un message de tolérance que je transmets et pour moi, une femme voilée peut être aussi une très belle femme. Le voile est un patrimoine qu’on doit sauvegarder. Grâce à la résidence qui m’a été offerte pour 15 jours, j’ai pu, en me baladant dans les rues de Casablanca, travailler pour la première fois, sur la Casablancaise.

L’ensemble de vos travaux portent sur le voile. Pourquoi ce thème ?

Je suis sortie de l’école des Beaux-Arts de Paris il y a plus d’un an et demi, et depuis cinq ans, je travaille sur la femme musulmane, sa liberté d’expression, d’agir et de se mouvoir. Donc, c’est un sujet que je commence à maîtriser et sur lequel je vais prépaer un doctorat, d’ailleurs, ça fait un moment que je travaille sur le voile de manière anthropologique voire sociétale. En 2014, j’ai réalisé une série de photographies en Algérie qui s’appelle « Révéler l’étoffe » sur les différentes manières de porter le voile, des portraits qui en lien avec la France ou les pays occidentaux.

Un travail commandé ne restreint-il pas l’inspiration?

La pièce que j’ai réalisée pour l’exposition de Casa a été réf léchie en amont, j’avais une fiche technique, je savais exactement ce que j’allais faire. En revanche, le fait de me balader et de me perdre dans les rues ne me ser vira que plus tard car je ne travaille pas sur la spontanéité ou de manière instinctive. Je pense qu’en revenant à Paris, je vais retravailler mes photos, voir ce que ça va donner, ça demandera un peu de maturité. Pourquoi pas les exposer pl us tard? Mais, pour le moment, ces photos ne sont qu’une ébauche de la suite de mon travail.

Quel regard portez-vous sur la femme maghrébine?

Je suis fascinée par la femme panarabe en général. Je trouve que la femme musulmane et globalement du monde arabe, est merveilleuse, et donc, j’ai envie de mettre en lumière toute sa beauté, son ambiguïté, toutes les facettes qu’elle peut avoir et qui sont souvent paradoxales. Comme elle évolue dans une société qui impose des diktats, c’est intéressant de voir comment elle essaie de s’en sortir et de se réapproprier ses codes. J’ai d’abord commencé à travailler sur la femme musulmane lors de mon séjour au Liban, puis, je me suis intéressée au Moyen Orient, puis à l’Afrique du Nord. Mon travail n’a pas de frontières, je travaille les nuances de toutes les femmes en fonction de leur région, le fait de me trouver entre Orient et Occident, c’est une place que j’adore, parce que c’est une passerelle qui me permet d’avoir un regard plus extérieur et plus objectif. J’ai besoin d’aller dans un pays du monde arabe pour travailler mais d’un autre côté, j’ai besoin de retourner dans mon atelier, à Paris, pour être capable de prendre du recul sur ma propre démarche.

Y a t-il d’autres thèmes qui vous tiennent à coeur?

Je travaille sur plusieurs médium, mais ma démarche tourne autour de la femme arabo-musulmane, parce que je considère que, pour le moment, j’ai encore beaucoup de choses à dire, la seule chose qui va changer, ce sera la manière dont ce sera dit, je fais des dessins, des installations, des photos. En fait, je mets des moyens techniques au service de ma démarche. Je suis vraiment animée d’une réelle envie, d’un réel engagement par rapport au combat que je défends ✱