La Monarchie prescriptrice
Ahmed Charau00ef

Le communiqué du Cabinet Royal sur la question de l’avortement est d’une éloquence rare. Il ne s’agit pas de légalisation, mais de non-poursuites, dans trois cas : le viol et l’inceste, le danger pour la mère, les malformations graves du foetus. C’est une avancée parce que les médecins n’avaient même pas le droit d’opérer une interruption de grossesse à titre thérapeutique. Certains modernistes y sont allés de leur couplet sur l’avancée de l’obscurantisme. C’est tout simplement faux. C’est un acquis dans un combat qui ne peut être que de longue durée. Il n’y a qu’à voir ce que ce débat suscite comme controverse aux USA, ou en Irlande, par exemple.

La monarchie marocaine est prescriptrice. Mohamed V a dévoilé ses filles dès 1947, lors d’un voyage historique à Tanger où il a esquissé le projet d’une nation marocaine recouvrant son indépendance et s’inscrivant dans la modernité. Feu Hassan II a initié plusieurs réformes. Le plan d’intégration de la femme avait divisé la société. Le Roi Mohammed VI est intervenu pour établir un code de la famille consensuel, considéré par tous comme avantgardiste dans la sphère arabo-musulmane.

Le rôle du monarque, comme incarnation de la nation et autorité religieuse suprême, est de réaliser des avancées dans le sens de la modernité dans le consensus et donc en tenant compte des rapports de force au sein de la société. La monarchie est prescriptrice au niveau institutionnel, elle est toujours à la recherche d’équilibres avancés, sur la voie de la modernité. C’est une erreur de croire qu’elle peut, ou pire, qu’elle doit violenter la société. Ce n’est pas son rôle, et cela nuirait à la construction démocratique, si l’institution pivot ne tient plus compte des différents courants qui s’expriment au niveau de la société. L’institution monarchique, même quand elle s’inscrit dans la modernité, tient au respect de toutes les influences sociétales. Ne pas le comprendre, c’est se préparer à des illusions en rafale.