Le bac... et après ?
Ahmed Charau00ef

Ils sont plus de 500.000 à passer le baccalauréat cette année. En moyenne, la moitié des candidats réussit à obtenir ce prétendu sésame. Les écoles étant très sélectives, avec très peu de passerelles, la majorité se dirige vers les filières généralistes des universités, au point qu’en première année de Sciences Economiques, à Casablanca, ils sont plus de 5.000 inscrits. Dès lors, c’est la qualité de la transmission du savoir qui est en jeu. L’université devient peu productive, en qualité, parce qu’elle n’a pas les moyens d’accueillir, dans des conditions pédagogiques, non pas optimales mais simplement décentes, ces cohortes de bacheliers dont les rangs grossissent chaque année. Ceux qui font de l’enseignement privé la panacée nient les réalités sociales et bafouent le principe démocratique de l’égalité des chances. La distinction, acceptable, est celle qui est basée sur le talent et non pas sur l’origine sociale. Les diplômes de nos universités ont rarement droit de cité, sauf devant le Parlement, pour réclamer des postes dans la Fonction publique. Cela nous impose une réforme stratégique d’ensemble. Il faut multiplier les filières courtes accessibles à bac +2, permettant d’acquérir des compétences précises, recherchées par les entreprises, diversifier les filières existantes, multiplier les diplômes professionnalisants et avoir le courage de fermer certaines filières ou de les réserver à des candidats qui se destinent à la recherche et non pas à un bac+4 qui mène au chômage. C’est une réforme qui nécessite une grande dose de courage politique. Les conservatismes sont partout. Le corps enseignant est plus que divisé par rapport au contenu d’une hypothétique réforme, mais est consensuel quand il s’agit de défendre ses «acquis». Les étudiants, sans représentation réelle, refusent tout changement, tout en critiquant la situation actuelle. Les parents sont démobilisés, parce que l’université n’est plus, à leurs yeux, un ascenseur social. Des lauréats d’écoles privées d’ingénieurs sont au chômage depuis plus de 3 ans, faute de patrimoine relationnel des parents ! Le discours qui voudrait que la mission de l’université soit la transmission du savoir au plus grand nombre, même en rupture avec le marché du travail, est, comme tous les discours idéologiques, inopérant. La conséquence est la déqualification des diplômes nationaux qui a atteint les limites de l’absurde. Les entreprises marocaines, en particulier les PME, ont un taux d’encadrement très faible, qui handicape leur compétitivité, c’est donc un réservoir d’emplois. Mais l’université ne produit pas le genre de profils dont ces entreprises ont besoin. Tant que la réforme de l’enseignement supérieur ne tiendra pas compte de tous les paramètres, en particulier le marché de l’emploi, ne diversifiera pas son offre et n’améliorera pas les conditions pédagogiques, l’université restera un gouffre financier à la rentabilité douteuse.