La lutte pour 
la paix, principal legs d’Obama
Le Pru00e9sident amu00e9ricain Barack Obama.

L’échec du président Obama dans le dossier du libre-échange au Congrès n’a fait qu’accentuer les déceptions et les frustrations de l’Administration. Sa quête d’un legs pour la postérité reste ainsi hors d’atteinte.

Les espoirs de parvenir à un accord nucléaire et de normaliser les relations avec l’Iran restent une priorité de la politique étrangère. Mais les chances d’une «victoire» envisagée dans ce domaine sont minces, alors que l’écart engendré par cette situation entre la Maison Blanche et ses alliés de longue date au Moyen-Orient est une certitude.

Nous savons que de nombreux présidents et secrétaires d’État ont cherché à décrocher le statut prestigieux d’artisan de la paix au Moyen-Orient. Mais ils reviennent toujours bredouilles. Le dernier étant le secrétaire d’État, John Kerry, dont les efforts inlassables en Israël et en Palestine n’ont pas porté leurs fruits. Le climat semble aujourd’hui être moins favorable que jamais pour réaliser une avancée dans se sens : les relations entre le président Obama et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, se sont détériorées et la majorité de la communauté américaine pro-Israël ne fait plus confiance à la Maison Blanche.

Le leadership Palestinien, à Ramallah, convaincu que ni Jérusalem ni Washington ne veulent négocier de bonne foi, se dirige vers l’accession au statut d’Etat via l’Organisation des Nations Unies. Une démarche couplée à une campagne mondiale visant à marginaliser Israël par le «boycott, le désinvestissement et les sanctions». Pendant ce temps, toute la région arabe s’embrase dans une spirale de conflits sectaires. Les Etats défaillants et en déliquescence, à proximité d’Israël, fournissent une justification raisonnée pour placer la priorité stratégique ailleurs.

Pourtant, ces crises en cascade ont également contribué au redécoupage des alignements sur le plan régional. Elles ont changé le sens de la quête de «la paix» par rapport aux Arabes et aux Israéliens et rapproché davantage l’objectif du centre du terrain, permettant à la fois l’émergence d’une nouvelle définition de la victoire et la création d’une nouvelle base d’acteurs locaux pour soutenir l’effort requis.

Pendant des décennies, la définition qu’a donnée le monde à la «paix au Moyen-Orient» a été limitée à la question israélo-palestinienne. Une vue renforcée par les élites politiques de la région. Il est certain que l’apaisement de ce conflit, gravé dans la conscience panarabe, demeure une pièce cruciale du puzzle dans tout effort visant la résolution de la pathologie politique qui a affecté la région, de Bagdad à Casablanca.

Mais aujourd’hui, lorsque les Arabes se réfèrent à la «paix», à la «coexistence» et à la «tolérance», ils entendent non seulement le conflit israélo-palestinien, mais aussi les tensions internes entre les ethnies et les sectes, ainsi que les conflits militaires entre les Etats et les acteurs para-étatiques déterminés à les détruire. En fait, tous ces combats, ainsi que le conflit avec l’Iran, ont stimulé une alliance de facto entre les dirigeants arabes sunnites et Israël. Pour toutes ces raisons, les capitales sunnites accueillent et sou- tiennent aujourd’hui tous les efforts visant à atténuer les tensions entre les États et entre les différentes identités religieuses. Alors qu’aucun acteur ne peut s’attendre à l’aboutissement à une résolution pacifique et complète d’un conflit, toute mesure significative vers la paix, toute nouvelle dynamique vers la réconciliation est considérée comme une victoire en soi.

Dans ces conditions, il existe une solution à portée de la main du président Obama. Du haut de sa chaire, il pourrait introduire un nouveau langage dans le discours politique de la région visant la redéfinition de la quête de la paix comme une résolution globale des conflits entre communautés ethniques, sectaires, et les divisions linguistiques. Et entamer ensuite un dialogue sur les moyens culturels, poli- tiques et économiques pour assurer la poursuite de ces objectifs. La région sera à l’écoute. Il pourra présenter un agenda concret sur la consolidation de la paix -un «new deal» pour la région- en y mettant les moyens nécessaires dont notamment une contribution américaine en matière d’incitations financières et sécuritaires en faveur des Etats disposés à jouer un rôle actif dans cet effort. À l’heure où les alliés de l’Amérique ont du mal à communiquer un agenda positif pour la région qui rivalise avec la communication multimédia ciblée de l’Etat islamique, le Président peut en envisager un qui aura une forte résonance et que beaucoup d’Etats seraient disposés à appuyer.

Un tel effort ne nuirait, en aucun cas, à la poursuite du Président en vue d’atteindre un accord avec l’Iran. Au contraire, il permettra de renforcer cette poursuite : en ouvrant de nou- veaux horizons pour consolider les alliances traditionnelles de l’Amérique, il aura, sous la main, de nouveaux modes de pression sur l’Iran. Et en créant de nouveaux objectifs politiques pour la région, il pourra se prémunir contre tout impact négatif sur son legs dû à un éventuel échec dans le dossier iranien.

Pour la première fois, le rêve amé- ricain de paix au Moyen-Orient peut prendre forme grâce aux calculs stratégiques judicieux et aux alliances associées à la force de la realpolitik dans la région. C’est assurément une chance à saisir par la Maison Blanche.

Cet article a été publié dans le quotidien américain The Hill, le 18 juin 2015 : http://thehill.com