Se servir des drames
Ahmed Charau00ef

Ce qui s’est passé à Tanger n’est pas un fait divers comme les autres. Cette tragédie, qui a coûté la vie à un policier dans l’exercice de ses fonctions, pour un simple contrôle, est révélatrice de beaucoup de symptômes. D’abord, la violence sociale qui devient inquiétante. Tout différend peut se transformer en conflit violent, à n’importe quel moment, aussi insignifiant soit-il. Plus important encore, c’est tout de même le rapport au policier, en tant que représentant de l’autorité de l’Etat, dont il s’agit. Cette contestation tous azimuts est un déni de l’Etat de droit, qui stipule que la force publique est la seule violence légitime. La police est chargée de l’application de la loi. Ce faisant, elle assure notre sécurité à tous, le respect des règles du vivre ensemble et le maintien de l’ordre. Contester son rôle, c’est agir en sens inverse et concourir à une forme d’anarchie. Laquelle ne peut que rejaillir sur la vie quotidienne de tous les citoyens. Dans les plus grandes démocraties, le refus d’obtempérer, quelle que soit la situation, expose à une riposte qui peut aller jusqu’à l’usage des armes létales. C’est aussi un déni de justice. La police marocaine a évolué de manière extraordinaire grâce au processus de démocratisation. Elle est respectueuse des droits et n’a plus rien à voir avec les comportements des années 70. C’est un fait qu’il faut saluer, parce que la modernisation de la police est une oeuvre essentielle pour la démocratie. Les citoyens ne peuvent utiliser ce changement pour passer de la peur du flic à l’arrogante défiance. Ce que font ceux qui refusent un contrôle d’identité, parce que «fils de» ou qui ne répondent pas à la sollicitation d’un policier sur la route... Nous avons donc chacun à son niveau la responsabilité de défendre le statut du policier dans l’exercice de ses fonctions de défenseur des lois et donc de garant de l’ordre public. Bien évidemment s’il y a des abus, des manquements, comme cela se passe dans tous les pays du monde, les juridictions sont là pour sévir. A chaque fois qu’un dépassement est prouvé, les responsables sont immédiatement sanctionnés administrativement, avant même la décision de justice. Cette rigueur en dit long sur la détermination dans la conduite de la réforme, de la modernisation. Le nouveau directeur général, Abdelatif Hamouchi a une réputation d’efficacité, d’intégrité et d’attachement absolu à l’Etat de droit. Il aura, sans doute, à s’attacher aussi aux conditions de travail de ses agents. Malgré les améliorations de ces dernières années, les salaires, les indemnités, les primes restent en deçà de la charge de travail, des risques encourus, des responsabilités assumées. La Direction met en place des structures de communication. Elle s’est aussi ouverte à la presse pour l’information et aux simples citoyens pour toute réclamation. Ce désir réel de transparence s’inscrit dans la volonté plus globale de «normaliser» les rapports de ce corps avec la société. Les «flics» ne sont pas là juste pour réprimer, ils sont là aussi pour prévenir et s’assurer de notre quiétude. Cette démarche ne peut aboutir que si la société civile joue son rôle dans l’éducation à la citoyenneté. Celle-ci ne peut se construire, s’imaginer, sans le respect de la loi et de ceux qui la représentent. C’est un chantier que nous n’avons pas le droit de rater, au risque d’handicaper toute la construction démocratique.