Brahim Benjelloun Touimi, Administrateur directeur général du Groupe BMCE Bank : « La finance participative concernera au départ les particuliers »
Brahim Benjelloun Touimi

Grand connaisseur du monde de la finance, Brahim Benjelloun Touimi livre dans cet entretien, une analyse de ce que sera la banque alternative au Maroc.

 L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Quelle est la différence entre l’offre d’une banque participative et celle du capital risque ?

Brahim Benjelloun Touimi : La banque participative, comme on l’appelle dans les textes au Maroc, a pour but de séparer le religieux du business. C’est une banque qui est basée sur l’éthique. L’assimiler à du capital risque peut se faire dans la mesure où quand une banque finance un projet, elle ne prête pas de l’argent en contrepartie d’un intérêt, mais elle partage à la fois le profit et les pertes éventuelles.

N’est-ce pas là une sorte de prise de participation ?

Absolument, c’en est une. Il n’y a pas de taux d’intérêt. On considère que l’argent, selon cette éthique, ne doit pas produire de l’intérêt. Lorsqu’il y a un dépôt ou une épargne, la banque va chercher les moyens de rémunérer ce dépôt non pas à travers les intérêts mais plutôt à travers l’investissement dans des projets dont le coût permet de dégager une rentabilité. Laquelle rentabilité donne lieu à un taux moyen qui rémunère le dépôt. Donc clairement, l’argent est investi dans l’économie réelle et ce qu’on gagne c’est le profit de l’investissement. C’est dans ce sens qu’une banque participative se différencie clairement d’une banque conventionnelle.

Est-ce une sorte d’entrée dans le capital ?

C’est une prise de participation dans le projet en tant que tel et non pas nécessairement dans le capital de l’entreprise. Ceci dit, la banque finance le projet et participe au bénéfice et au risque rattaché à ce projet. Mais il faut dire que cette finance participative concernera au départ les particuliers et se concentrera sur des segments tels que le financement de l’acquisition immobilière et celle des véhicules. Pour le segment Entreprises, il faut sensibiliser le client au départ en vulgarisant le produit pour faire prospérer ces nouveaux plans d’activités. Il nous faut quelques années encore avant de pouvoir financer des projets via les solutions participatives 

Prévisions : Les entreprises suivront

Selon les experts, les banques participatives au Maroc seront plutôt commerciales et miseront sur la «Mourabaha». Autrement, elles se focaliseront sur les particuliers. Il n’empêche, les entreprises constituent aussi un créneau porteur, avec notamment les financements participatifs « Moudaraba » et « Moucharaka » qui permettent aux banques alternatives et aux fonds d’investissement de participer au capital des sociétés financées. « Il ne faut pas se leurrer : c’est au niveau du segment des particuliers qu’il y a de le plus de demande et le moins de risques », explique un banquier de la place. Or, « Le but de la finance islamique n’est pas de financer des appartements et des voitures, mais plutôt des projets d’entrepreneurs qui vont gagner de l’argent et acheter leurs appartements et leurs voitures », estime Nabil Omari, un expert chevronné de la finance islamique.