Omar El Kettani : «Une banque participative est au service de la société non du capital»
Omar Kettani

L’explication magistrale que livre Omar Kettani est nécessaire pour mieux comprendre la finance islamique. Cet expert est professeur à l’université Mohamed V de Rabat et membre de l’Asmeci (Association marocaine d’études et de recherches en économie islamique).

Entretien réalisé par Ahmed Belahmidi - Al Ahdath Al Maghribia

 

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Qu’est-ce qui caractérise les banques participatives par rapport aux autres ?

Omar El Kettani : Tout ou presque. Une banque participative est une banque au service de la société et non du capital. Elle ne pratique pas la « Riba »(usure), considérée non productive ; ne peut avoir un monopole ni participer à un projet illicite : alcool, jeux de hasard, armes, etc. C’est une institution dont le principe est basé sur la médiation dans les ventes et le financement participatif. Choses que ne font pas les banques classiques.

Quel serait, à votre avis, le modèle qu’adopteront les banques participatives au Maroc ?

Ce serait le modèle de la banque commerciale islamique, au moins dans la première phase, en raison, d’abord, de l’absence de risque, de la simplicité de ses contrats en général, étant donné la demande prévue de la part de ceux désirant acheter un logement de manière islamique. Ce sont des banques généralement financées par le secteur privé et dont l’objectif principal est la rentabilité.

 Mais quel serait l’impact des banques participatives sur le citoyen marocain, le schéma bancaire et l’économie nationale ?

Les banques participatives seront des filiales des banques classiques. Il est fort probable qu’il s’agira de banques commerciales qui traiteront via des contrats en « Mourabaha » le financement des biens immobiliers et l’acquisition de voitures. Le Marocain aura plus de chances de contracter un prêt, mais plus cher que le prêt classique, sauf si l’Etat annule la double imposition concernant la conservation foncière, l’enregistrement et la TVA. Le schéma bancaire ne subira pas de grands changements au moins au cours de la première année du lancement. Néanmoins, si les prix sont au même rang que ceux pratiqués, en cas de prêt avec intérêts, l’impact sera énorme sur le secteur bancaire, qui est en récession depuis deux ans, et aussi parce que les Marocains attendent le lancement des banques participatives.

Comment percevez-vous l’avenir de ces banques d’autant que plusieurs banques nationales ont exprimé leur volonté de pénétrer ce nouveau marché ?

Trois scénarios sont prévisibles. Le premier est le plus sûr : les banques classiques lanceront des filiales islamiques sous la tutelle ou en partenariat avec des banques des pays du Golfe et que les licences seront accordées à certaines banques et pas à d’autres dans la première phase du lancement. Ce qui réduit leurs chances de jouer un rôle déterminant dans le développement économique. D’ailleurs les banques mères n’ont pas réussi, elles non plus, à le faire et leurs résultats ont été médiocres. Le deuxième scénario probable est plus prometteur que le premier. Il prévoit la libéralisation des banques islamiques des mains des banques classiques. Ceci dit, la création de banques indépendantes à des conditions allégées avec l’adoption d’une loi permettant la création de sociétés d’assurances « takaful » permettra d’éviter de recourir aux sociétés d’assurance classiques. Ceci favorisera l’extension du tissu bancaire. Les entreprises et le privé profiteront dès lors des services des banques islamiques, ce qui créera une véritable émulation entre les banques participatives et les établissements bancaires classiques. Le troisième scénario, qui est aussi le plus ambitieux, consistera à ne pas se contenter de créer des banques islamiques marocaines aux moyens limités mais plutôt de profiter de la situation pour créer un centre monétaire islamique international à Casablanca et faire ainsi du Maroc un hub pour les fonds des pays du Golfe et les fonds islamiques originaires d’Europe pour les investir dans des projets de développement au Maroc et en Afrique.