Accord et point de bascule
Ahmed Charau00ef

Près de douze ans de négociations ont été nécessaires pour atteindre l’objectif, un accord sur le nucléaire iranien. Comme le dit le Président américain, Barack Obama, ce n’est pas seulement un accord basé sur la confiance, puisque le volet sur le contrôle contraignant est au coeur du texte, et la France a joué un rôle fondamental en la matière. Mais au-delà de la perspective d’éviter une bombe nucléaire iranienne, ce qui s’est passé à Vienne est une nouvelle donne géostratégique et les acteurs régionaux l’ont bien compris. Après trente ans de sanctions, l’Iran va réintégrer le marché mondial. Téhéran va recouvrer 175 milliards de dollars, en cash, la possibilité d’exporter les hydrocarbures vers l’Europe et de lancer les travaux d’infrastructures, retardés par le blocus. C’est un marché immense qui s’ouvre et les multinationales n’ont pas attendu la signature pour approcher des dirigeants de la République islamique.Cependant, le véritable enjeu n’est pas économique : il est politique. Que fera l’Iran de cette manne ? Dans un monde «normal», cela servirait à améliorer le quotidien d’une population très jeune, où le chômage atteint des taux record. En effet, le taux de chômage des jeunes de 15 à 29 ans est de 26,5% dans les villes et de 17,7% dans les régions rurales. Mais l’Iran est un acteur principal dans une région enflammée. Les observateurs focalisent sur la position d’Israël, mais ce n’est qu’une vision réductrice. Les premières «victimes» de cet accord sont les monarchies du Golfe, alliées depuis toujours des Etats-Unis et de l’Occident. Barack Obama a d’ailleurs tenu à les rassurer. L’Iran est réintégré dans le concert des nations, mais pour quoi faire ? Pour le moment, Téhéran est présente dans tous les conflits régionaux, au nom du chiisme. En Syrie, Bachar Assad ne doit sa survie qu’au soutien iranien. Au Liban, le Hezbollah tient l’Etat en otage et menace l’unité nationale. Les Houtis ont mis le Yémen à feu et à sang et menacent la stabilité de l’Arabie Saoudite. Au Bahreïn, la majorité chiite, scandaleusement opprimée, soutenue par l’Iran, se révolte. En Irak, les milices chiites, surarmées par Téhéran, disputent à Daech la palme de la barbarie dans les régions sunnites. C’est la photo du moment. Il faut donc sortir de la problématique nucléaire et arrêter de considérer que les mécanismes de contrôle mis en place sont un atout. Obama a réussi deux percées historiques vis-à-vis de l’Iran et de Cuba, il a sauvé sa présidence. Mais de la même manière que les retraits d’Afghanistan et d’Irak ont eu des conséquences catastrophiques, l’accord avec l’Iran est porteur de risques. L’Occident se doit d’agir pour convaincre l’Iran d’abandonner ses visées de conquête, quasi impérialistes, et de jouer, avec la Turquie et l’Arabie Saoudite, un rôle de stabilisateurs dans la région. Puissance régionale, l’Iran l’est par son histoire, son potentiel économique et ses capacités militaires. Encore faut-il savoir dans quel sens agit cette puissance régionale. L’Occident doit tout faire pour que Téhéran soit un facteur de stabilité. Sinon l’accord signé à Vienne aura des conséquences néfastes pour une région essentielle à la paix mondiale.