Une construction démocratique complexe
Ahmed Charau00ef

Les élections communales et régionales ont constitué un moment fort dans la vie politique marocaine. Le Maroc a adopté une nouvelle constitution le 1er juillet 2011. Le pays a ensuite organisé des élections législatives qui ont donné la première place aux islamistes du PJD, mais avec seulement 1,2 million de voix, le taux de participation n’ayant pas dépassé les 40%.

Les élections communales et régionales sont donc un bon baromètre. La crédibilisation des institutions représentatives passe par la mobilisation des citoyens, exprimée en votes.

La pléthore des listes par contre est un vrai problème, parce qu’il n’y a pas 36 projets sociétaux pour le Maroc et encore moins pour des municipalités à très faible budget. Cependant, il faut noter plusieurs signaux positifs qu’il faut apprécier à leur juste valeur.

Le débat, voire le combat a été très dur, avec de véritables dérives verbales qui plombent, malheureusement, la vie politique. Il y a eu un véritable intérêt des réseaux sociaux et des médias pour cette campagne. Sur les 130.000 candidats, 70% l’étaient pour la première fois. Plus d’un million de marocains se sont inscrits sur les listes électorales.

Il y a donc des mouvements perceptibles, chiffrables, de l’adhésion citoyenne à la construction démocratique. Ceci ne veut pas dire que la participation à la vie politique de tous les jours augmentera, parce que les acteurs ont de vraies défaillances qui en font des entraves à la construction démocratique.

Accuser des leaders de partis de corruption, de trafics de drogue, est indigne, surtout quand on a le pouvoir de les poursuivre en justice, si on a les preuves. Affirmer que le PJD soutient Daech est tout aussi irresponsable.

Le vrai paradoxe est là. Les Marocains, dans leur extrême majorité, ont salué la sortie de crise, de ce que l’on a frauduleusement appelé le Printemps Arabe. Ils veulent réellement des institutions démocratiques de manière apaisée.

Les partis politiques, eux, veulent avoir le maximum de candidats, espèrent diriger des collectivités pour récupérer l’argent public, mais souvent, ils oublient qu’il y a les citoyens.

L’erreur serait de croire qu’il n’y a pas de mouvement sociétal en faveur de la démocratie, que tout est glauque. C’est faux ! Les électeurs font une pression énorme sur les partis et arriveront à changer les comportements de ceux-ci. Ce n’est qu’une question de temps.

Des élections transparentes, sans intervention de l’Etat, avec des meetings imposants, une campagne très tendue, un intérêt médiatique, c’est certain, sont un atout pour la construction démocratique. Celle-ci, dans un pays où il n’y a pas eu de révolution, est sinueuse, compliquée, parce que les acteurs sont en décalage.

L’honneur de la politique, c’est d’appréhender ces difficultés.