Réfugiés : Le début d’une longue immigration
Des ru00e9fugiu00e9s en du00e9sarroi u00e0 la frontiu00e8re turque. PH. AFP

Nul n’avait prévu -ou ne voulait croire- à l’arrivée en Europe de dizaines de milliers de réfugiés fuyant la guerre, les bombardements, les persécutions au Moyen-Orient. La Syrie, l’Irak, l’Afghanistan sont si loin. La «vieille Europe», comme une vieille dame trop repue (même si elle abrite de nombreux pauvres), ne croyait pas qu’elle serait un jour rattrapée par l’histoire de cet Orient compliqué et si lointain. Nous y sommes. Des faits qui suscitent quelques réflexions.

Qui croyait qu’une photo pouvait changer le monde ? Le cliché du petit Aylan, bambin de 3 ans, noyé, le visage tourné vers le sol, sur une plage de Syrie, a été le déclic qui a déclenché en Europe (ou au moins dans une partie de l’Union européenne) un sursaut d’humanité tardif envers ceux qui fuyaient l’horreur. La photo était insupportable. Comme l’avait été, en d’autres temps, celle d’une très jeune Vietnamienne tuée par un bombardement américain et porté par son père ravagé, ou celle du petit garçon tombé sous les balles des policiers blancs sud-africains lors des émeutes de Sharpeville dans les années 60.

La deuxième évidence, c’est aussi la force des réseaux sociaux. Ce sont eux qui en Allemagne, en Autriche, et même en France ont incité les gouvernements à bouger. Ils ont transmis les images de milliers de Syriens, portant des enfants, pour quitter la Hongrie qui ne voulait pas d’eux, et rejoindre l’Allemagne via l’Autriche. Dans cette Autriche à la réputation si mauvaise depuis la seconde guerre mondiale, des milliers de citoyens ont pris leurs voitures pour leur faire quitter la Hongrie et passer la frontière, les autres les ont accueillis à la gare de Vienne. L’image de l’Autriche et de l’Allemagne en sort grandie et modifiée.

Qui aurait pu croire aussi que ce serait Angela Merkel, cette chancelière, hier, si intransigeante avec la Grèce, arcboutée sur son libéralisme économique, mais qui s’est souvenue qu’elle arrivait d’Allemagne de l’Est, qui allait faire bouger François Hollande, le socialiste, Président d’une France devenue frileuse ? Qu’elle était loin, soudain, la patrie des droits de l’Homme. Ce couple à fronts renversés est, espérons-le, en train de faire bouger l’Europe. Il est vrai qu’en Allemagne et en France, les situations ne sont pas les mêmes. Si les deux pays ont leur extrême-droite turbulente, l’Outre-Rhin n’a pas un parti qui, selon les sondages, rassemble de 25 à 30% des citoyens. Nombre d’Allemands sont des descendants de réfugiés et s’en sont souvenus. Sans compter que l’économie allemande, florissante, manque de bras, de ces jeunes Syriens et Irakiens, souvent bien formés, souvent de la classe moyenne, qui ne demandent qu’à travailler.

La France a 10 millions de chômeurs. Il est difficile d’expliquer aux Français que les uns ne prendront pas la place des autres. Mais les Français ont fait bouger leurs dirigeants. Les 1000 premiers réfugiés sont arrivés le 10 septembre. Officiellement, Paris compte en accueillir 24.000 sur deux ans. Un conte de fée. Les bouleversements au Moyen-Orient ne se tariront pas de sitôt.