Yacine Malek Nouvelle étoile montante du jazz actuel

Jeune pianiste compositeur talentueux, Y. Malek a enchanté le public avec son Orientalo Project, des compositions dans un répertoire world groove et jazz oriental conçues spécialement pour le Tanjazz 2015.

L’Observateur du Maroc et de l’Afrique. C’est votre 1ère fois au Tanjazz. Quel est votre sentiment? Yacine Malek.

La 1ère fois que je suis venu au Maroc, c’était chez les pêcheurs berbères vers Nador, dans la montagne. Mais dans le cadre de la musique, c’est la 1ère fois. Ça me touche énormément, ça a beaucoup de sens par rapport à mon projet qui est un peu du jazz oriental, et puis aussi, par rapport à mes origines, j’aime quitter la France pour aller découvrir d’autres pays.

Vous avez composé spécialement pour le Tanjazz ?

Oui, c’est mon 1er projet oriental qui s’appelle Yacine Malek et Orientalo Projet, on le joue en groupe de 5 mais on l’a fait à Tanger en trio. Il s’agit d’un mélange de berbère avec du jazz fusion oriental. Certains morceaux ont été composés spécialement pour le festival, comme « Talal & Youmala », un nom que j’ai entendu dans un chant gnaoua, et qui m’a inspiré une création puisque j’adorais la mélodie et la chanson.

Pourquoi le jazz oriental? C’est un peu votre signature?

J’ai fait du jazz pur et dur, et depuis ces 4 dernières années, je suis très world, de par mes origines kabyles. Je suis de plus en plus attiré par tout ce qui est musique du monde. En fait, c’est un retour aux sources.

C’est important pour vous ce retour aux sources?

Oui, j’ai quitté mon pays il y a longtemps, j’étais persuadé que j’y retournerais dans le cadre de mon travail, ça a été le cas, je suis retourné jouer en Algérie et là, je suis au Maroc, ce n’est pas un hasard pour moi !

Vous avez commencé à faire du piano à l’âge de 5 ans. Racontez-nous un peu vos débuts.

Je n’ai pas de parents, j’ai quitté ma famille de manière douloureuse, j’ai eu la chance d’aller à l’école Françoise Dolto et c’est là ou j’ai commencé à jouer de la musique. C’était aussi dans ma famille, ma grand-mère dansait dans les mariages, mon oncle jouait de la guitare,… mais c’est en arrivant en France que j’ai commencé à en faire sérieusement. Un jour, un Américain qui venait faire un stage de baseball m’a entendu jouer, il m’a dit : tu as du talent et tu dois aller plus loin. Cette rencontre est restée gravée dans ma mémoire et le jour où j’ai quitté cette école, j’ai décidé de faire de la musique de manière professionnelle et je suis rentré au conservatoire de Chambéry.

Et la rencontre avec Michel Petrucciani, c’était déterminant pour vous?

La 1ère fois que j’ai écouté du Petrucciani, je devais avoir 22 ans. C’était grâce à un pote à moi, et en découvrant le morceau, ça a été une révélation, un truc qui est rentré en moi comme une évidence. Du coup, j’ai cherché à savoir qui c’était. J’ai ressenti de l’émotion, un homme généreux, quelqu’un qui avait du coeur, ce qui n’est pas toujours le cas dans le jazz, et pour moi, l’émotion c’est quelque chose de très important. Une fois à Chambéry, j’étais invité à un concert piano solo à Annecy, et c’est comme ça que je l’ai rencontré. Il était tout seul, dès le 1er raccord, j’avais la chair de poule, et à la fin du concert, mon copain a voulu m’emmener le voir pour signer un autographe, il y avait une queue interminable, puis à un moment donné, Michel s’est penché et m’a dit : toi là bas, viens, j’ai traversé la queue et en me voyant, il m’a dit : t’es bassiste ? j’ai répondu : non, je suis pianiste. C’était la 1ère fois de ma vie que je communiquais sans parler. Pendant qu’il signait les autographes, il m’a demandé de m’asseoir, il y avait un miroir à côté de lui et je sentais qu’il m’observait et à la fin, il a ouvert le théâtre, on s’est retrouvés en train de jouer un morceau à quatre mains, puis, il m’a regardé et m’a dit : j’étais sûr que t’avais du talent puis il m’a conseillé d’aller à Paris pour optimiser mes chances. Cette rencontre aussi est restée dans ma tête. C’était un artiste exceptionnel mais pas un bon prof, il n’avait pas le temps, il habitait à New York, faisait 120 concerts par an et me disait souvent : c’est bon, t’as tout, il faut jouer. Il avait raison, et à un moment donné, il fallait se lancer.

Qu’est ce qui vous plaisait chez lui?

L’émotion qu’il dégageait. Parce que dans le jazz, il y a de plus en plus de gens qui jouent très bien, de plus en plus jeunes avec de grosses techniques. Mais l’émotion n’est pas toujours au rendez-vous. Moi, je suis assez sensible à cela et c’est bien quand il y a de l’âme. Ce qui m’a séduit, c’est sa technique monstrueuse, il a un son, un univers qui était bien à lui, après, quand on connaît l’homme, c’est quelqu’un qui aimait les gens et qui avait envie de leur faire plaisir.

Et l’improvisation, c’est quelque chose qui vous parle ou vous êtes plus quelqu’un de cadré?

J’ai commencé la musique en improvisant sans savoir ce que je faisais, d’ailleurs, j’ai eu du mal à venir à une structure cadrée. Quand je suis rentré à l’école, il fallait faire un solo dans le calme alors que je m’étais habitué à jouer seul, comme je l’entendais. D’ailleurs, ce que j’aime dans le jazz, c’est l’improvisation, c’est cette liberté d’expression que le musicien peut avoir et qu’on ne retrouve pas ailleurs!

Quels sont les musiciens qui vous inspirent ?

J’étais fasciné par Keith Jarett, Herbie Hancock, Chi korea, Petrucciani, Oscar Peterson. Le 1er pianiste que j’ai vu, c’est Fats Waller, je ne comprenais pas pourquoi ça me parlait, j’étais gamin et je ne voyais pas pourquoi ça m’interpellait. Après, on se met à chercher d’autres pianistes, on sent qu’on est à sa place, puis les choses se développent.

Et pour ce qui est de la composition?

Ça fait six ans que je suis sur mes projets, j’accompagne pas mal d’artistes. En fait, c’est ce que j’aime. C’est pour ça que j’aime le jazz. Quand on vient jouer dans des festivals comme Tanjazz, c’est bien de pouvoir créer des choses, d’appeler des musiciens et de mettre tout ça en vie et que ça puisse exister. Moi, c’est la création qui me plait.

Avez-vous un mood spécial pour composer?

J’ai un chien, j’adore la nature, je me promène dans la rue, j’ai un iphone, un portable, quand j’ai une idée, je l’enregistre, je rentre à la maison, je travaille dessus. Observer les gens me rend créatif ✱