Tomatito Légende vivante du Flamenco

'Accompagné de son septet, le maestroTomatito, a conquis le public d’Alegria* qui s’est délecté de la magie des rythmiques métissées de son album « Soy Flamenco ».'  

La mythique Kasbah de Chefchaouen a vibré le temps d’une escale musicale, aux rythmes du flamenco du célèbre José Fernández Torres, alias Tomatito (Petite tomate). Instigateur du nuevo flamenco par excellence, au même titre que le géant Paco de Lucia, le guitariste légendaire a ébloui le public de la ville bleue par sa prestation époustouflante et son doigté hors du commun. Originaire d’Almeria et descendant d’une grande lignée de musiciens de flamenco traditionnel, il porte en lui cet héritage profond qui l’accompagnera à chaque étape de sa carrière. Après avoir accompagné le mythique cantaor Camarón de la Isla, durant les 18 dernières années de sa vie, le guitariste andalou a également arpenté les sentiers du jazz et de la pop pour toucher un plus large public. En 2000, il reçoit le Grammy pour le meilleur album de jazz latin «Spain» (avec Michel Camilo) et le Latin Grammy pour le meilleur album flamenco «Paris, 1987». L’homme aux mains vertigineuses connu pour son engagement dans le développement et la diffusion du flamenco au niveau international, s’est par la suite lancé dans une carrière solo en s’entourant de son propre groupe. En 2013, il crée « Soy flamenco » et se produit dans le monde entier. Une oeuvre, à la fois originelle et métissée pour laquelle il reçoit le Gramy du meilleur album Flamenco et dans laquelle, chants, guitares, percussions et danses célèbrent toutes les variations du genre, des bulerias aux soleas et autres tangos.

L’Observateur du Maroc. C’est la 1ère fois que vous vous produisez à Alegria. Quel est votre sentiment?

Tomatito. C’est la 1ère fois que je viens à Chefchaouen, c’est très joli. Je ne me sens pas dépaysé ici, parce qu’on a le même style de musique, pratiquement les mêmes paysages,…J’adore cet endroit, ça me rappelle énormément mes racines, et à chaque fois que je viens au Maroc, je suis ravi, les gens sont très accueillants.

Vous avez accompagné Camaron de la Isla pendant 18 ans. Que représente cette période pour votre carrière ?

Je suis très peiné de la disparition de Camaron, après sa mort, j’ai dû me débrouiller pour faire une carrière en solitaire, et s’il n’était pas mort, j’aurais continué à travailler avec lui. J’étais très heureux de l’accompagner et même aujourd’hui, je suis très fier de cette période de ma vie surtout que Camaron, c’est l’icône du flamenco par excellence, c’est le meilleur. C’est la meilleure période de ma vie, je suis très reconnaissant et très fier parce que c’est grâce à lui que je fais partie des grands noms du flamenco actuel.

Ça vous fait quoi d’être une légende vivante du flamenco ?

Je me sens très mal, parce que ces grands (Paco de Lucia, Camaron,…) n’auraient pas dû mourir... Je suis triste mais en même temps, je suis content d’être encore en vie et entouré de ma famille. C’est une grande satisfaction personnelle. En fait, ce qui est important pour moi, ce n’est pas que je sois une légende vivante, le plus important, c’est d’avoir travaillé avec les grands noms du Flamenco, qui à mon sens, sont les meilleurs. Aujourd’hui, je suis ravi de faire une carrière solo, de pouvoir vivre de ma musique et faire des concerts un peu partout dans le monde.

Vous avez joué avec le grand Paco De Lucia. Quel souvenir en gardez-vous ?

J’ai toujours été fan de Paco quand j’étais plus jeune, donc, le jour où j’ai eu l’opportunité de travailler avec lui, c’était une grande fierté pour moi. C’est lui qui a inventé le Flamenco moderne avec sa guitare, c’est un peu lui qui a ouvert les portes au reste du monde et c’est lui qui m’a tout appris, il a toujours été mon idole. En plus, c’était quelqu’un qui aimait faire des blagues, la dernière fois quand j’avais sollicité son aide pour l’enregistrement de mon disque, je me rappelle qu’il était en tournée et il avait accepté de travailler avec moi à condition que j’enregistre dans son studio, à Palma de Majorque. Mon fils, qui joue aussi de la guitare m’avait alors accompagné, et quand Paco est venu me chercher à l’aéroport, au lieu de me saluer en premier, il a salué mon fils et il m’a dit : c’est comme ça que je t’ai connu, tu étais aussi beau et aussi jeune. (rires).

Votre dernier album Soy Flamenco (2013) est très métissé, c’est un peu un retour aux sources ?

Je ne reviens jamais en arrière, j ’avance toujours, comme une rivière. Juste avant d’enregistrer mon dernier disque, j’avais travaillé avec un pianiste, Michel Camilo, et l’orchestre national d’Espagne, c’est pour cela qu’à l’époque, les journalistes avaient parlé de retour aux sources, mais, en fait, je n’ai jamais arrêté de faire du Flamenco, moi, je ne fais que ça et c’est ce que je sais faire.

Vous avez commencé à jouer à la guitare à 10 ans. Pour vous, le Flamenco est une histoire de famille ?

Pour moi, le Flamenco, c’est la famille, mes parents, c’est une culture musicale, ma fille, mon fils, mon neveu,... Je suis grand père et j’ai 7 petits enfants, d’ailleurs, ce soir, je joue avec une de mes filles, un beau fils et mes neveux.

Et que pensez-vous du flamenco moderne ?

Le flamenco doit s’inspirer d’autres styles musicaux, à condition que ça fusionne bien. Moi, j’utilise ce qui m’intéresse et je lâche ce qui ne m’inspire pas. Il y a certains instruments que P. de Lucia a introduits et que j’ai gardés parce que le mélange fonctionnait bien avec le Flamenco, comme le cajon du Pérou. Vous savez, la musique n’est pas une dictature, il faut des fois s’inspirer d’autre chose, enrichir sa musique et ne pas se renfermer sur soi même.

Pourquoi avoir collaboré avec le milieu du jazz ?

Le jazz et le Flamenco se rapprochent beaucoup parce qu’ils permettent énormément d’improvisation, ce n’est pas comme la musique classique où tout est déjà écrit et donc très carré. C’est pour cela que ces deux styles ont bien fusionné, et j’adore cela.

Vous connaissez un peu la musique marocaine ?

C’est très similaire à ce qu’on joue, c’est la même culture, les Arabes ont régné en Andalousie pendant 800 ans, et ça ne s’oublie pas. D’ailleurs, ce qui resté là bas, je le retrouve ici, …tout à l’heure, pendant les répétitions, on dansait tous sur une chanson marocaine, parce que ça nous rappelle un peu chez nous ! ✱