Quand la Justice parle, il faut écouter
Ahmed Charau00ef

Le directeur du quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum vient d’être sanctionné par la Justice marocaine. Le tribunal de première instance de Casablanca l’a condamné suite à une plainte portée contre lui par deux professionnels des médias : Richard Miniter, journaliste et écrivain américain et Ahmed Charaï, directeur de publication de L’Observateur du Maroc et d’Afrique et Pouvoirs d’Afrique et président de Med Radio.

Toufiq Bouachrine a été condamné à un mois de prison avec sursis et deux fois 10.000 DH d’amende en plus de 800.000 DH à chaque plaignant comme dommages. Pour Ahmed Charaï, il ne s’agissait pas de se défendre contre un travail journalistique, mais « contre le colportage d’informations infondées, qui ont été déjà diffusées auparavant par des services étrangers, contre mon engagement personnel ». Au-delà de cette affaire, A. Charaï espère que ce jugement « imposera un vrai débat sur notre métier ». Peut-on relayer, demande-t-il, toutes les rumeurs qui traversent le Net ? « Peut-on toucher à l’honneur des gens, sans même recueillir leurs points de vue ? Un journaliste a-t-il le droit de porter des jugements définitifs sur des individus, avant l’intervention de la Justice et sans la moindre preuve, juste sur la base d’un « on a dit » virtuel ? ». Autant de questions qui doivent trouver des réponses définitives.

Par rapport au dossier en question, A. Charaï affirme avoir toujours soutenu qu’il défend ses idées en toute transparence, en l’occurrence son soutien aux avancées démocratiques et à la souveraineté sur le Sahara. « Maintenant qu’un journal marocain, relaye une intox d’un service étranger, sans la moindre précaution, m’a poussé à porter l’affaire devant la justice » argumente-t-il.

Un fait retient l’attention. Selon A. Charaï, la police judiciaire française a établi, que le compte ″Chris Coleman″, celui qui a divulgué les faux emails qui lui ont été attribués, est installé en Algérie. « C’est un fait qui doit faire réfléchir tous ceux qui sont tombés dans cette opération d’intox, visant ma personne et des journalistes occidentaux qui n’ont fait que leur travail, de la manière la plus honnête » dit-il.

« Ce jugement me conforte dans une idée essentielle : Nous devons avoir un vrai débat sur la corrélation entre la liberté et la responsabilité dans l’exercice de notre métier » suggère-t-il. « N’oublions jamais que notre premier devoir c’est de vérifier l’information, avant de la diffuser. Sinon nous serions pareils aux internautes qui n’ont aucune obligation légale et qui s’amusent à diffuser des informations totalement fabriquées pour nuire à des personnes, des entreprises, des pays… Car l’intox peut mener à la guerre », soutient l’éditeur.

Mais, à la fin, Ahmed Charaï trouve une satisfaction dans ce jugement qui « a rétabli la vérité sur mon action, en tant qu’éditeur et citoyen, engagé, mais démocrate, acceptant toutes les opinions, mais refusant les amalgames et surtout le mercenariat médiatique ». Lorsqu’il a été confronté à une affaire pareille, il avait respecté la décision de la Justice espagnole qui avait donné raison à un grand homme d’Etat, qui, ayant considéré la position internationale d’A. Charaï, avait accepté une grande réduction de l’amende. Et pourtant la main de la Justice n’était pas légère avec près de 1,2 million de dirhams. L’affaire s’était conclue, néanmoins, dans un grand respect de part et d’autre. Malgré le montant faramineux de l’amende, A. Charaï n’a accusé ni la Justice espagnole, ni l’Espagne de traitement partial, de racisme ou d’anti-marocanisme primaire. Il n’a pas non plus accusé le plaignant de chercher à le fragiliser. Mais peut-être qu’il y a une question de style et de …niveau.