Il faut être réaliste
Ahmed Charau00ef

Même ceux qui pavoisent parce que le Front national n’a pris aucune présidence de région en France, ne peuvent plus se cacher que le vote d’extrême droite progresse et que 6,8 millions de Français se sont portés sur un parti xénophobe. Aux USA, Donald Trump est toujours le favori des primaires républicaines, malgré des incartades que réprouvent les élites, mais qui reflètent le malaise social. Partout en Occident, la droite extrême est en progression rapide et constante. Le point commun de tous ces mouvements c’est la haine de l’islam, déclarée dans l’outrance. Florilège : «L’avortement ne me dérange pas quand il s’agit des musulmans, les musulmans peuvent devenir Français s’ils deviennent chrétiens», Marion-Maréchal-Le Pen. Sa tante a dit : «Si nous perdons, la Charia va remplacer la constitution». Et Donald Trump veut interdire l’entrée du territoire aux musulmans. Toutes ces déclarations tombent sous le coup des lois en vigueur dans les pays concernés, puisqu’elles incitent à la haine et au racisme. Mais comme elles émanent de dirigeants politiques, elles prennent un autre sens. Elles sont représentatives d’un courant au sein de ces sociétés, attiré par le réflexe identitaire. De grands historiens, des philosophes comme Michel Onfray, ont sauté le pas. Ils ne mettent plus en cause l’islam radical, mais le dogme, le texte sacré : la guerre des civilisations n’est pas loin. De l’autre côté, ce sont les courants islamistes qui arrivent au pouvoir, chaque fois que les élections réellement libres ont lieu. Ils ont un discours rétrograde sur les questions sociétales et professent une inimitié ouverte aux valeurs universelles. Les Oulémas continuent à verser dans la haine de l’Occident, à refuser toute contextualisation du texte, et à attiser les peurs. Les voix humanistes, universalistes, ne sont plus très audibles. Les extrêmes s’alimentent et mènent le monde à la catastrophe d’un choc généralisé, qui entame déjà la cohésion de nombreux pays et provoque des guerres sans fin qui, elles-mêmes, renforcent les a priori. Si les politiques occidentales sont critiquables sur de nombreux points, le monde musulman se doit de réagir et dans le bon sens. Le choix de la modernité, de l’adhésion aux valeurs universelles doit être clairement assumé. On ne peut continuer à utiliser « spécificité» comme un alibi pour justifier le refus de l’égalité des individus ainsi que les principes de tolérance et du respect de toutes les croyances. La montée de l’islamophobie ne doit pas servir les replis identitaires, qui sont nécessairement régressifs, comme on l’a vu au Pakistan, où même la scolarisation des petites filles est remise en cause, alors que des femmes ont été à la base du nucléaire dans ce pays. Au contraire, cette montée doit servir à une introspection qui peut s’appuyer sur des tentatives de réforme de Mohamed Abdou, Allal El Fassi, ou Balarbi El Alaoui. S’appuyer dessus pour aller plus loin. Le dialogue des cultures ne peut être l’apanage de quelques intellectuels humanistes. Il doit concerner l’ensemble des sphères avec comme objectif non pas l’assimilation, mais la convivialité autour de valeurs dégagées par l’humanité. Il devrait commencer, d’abord, par la séparation des religions, et donc du sacré, de l’histoire qui est, elle, un fait humain et non divin. Seul ce chemin, long, difficile, évitera le choc des civilisations et permettra à l’humanité de trouver une paix durable, une prospérité mettant l’homme au centre.