Espagne : Le divorce coûterait cher à tout le monde

Au cas où les indépendantistes mènent leur projet de sécession jusqu’au bout, cela risque d’être lourd de conséquence. Non seulement pour l’Espagne, mais aussi pour la Catalogne en particulier.

En 2015, et à la veille des élections régionales, le débat sur une éventuelle sécession de la Catalogne de l’Espagne, faisait rage. En effet, les partis indépendantistes, qui caracolaient dans les sondages, avaient émis la promesse qu’en cas de victoire, ils allaient enclencher le processus de «divorce» avec Madrid. Il n’en fallait pas plus pour que les nuages s’amoncellent dans le ciel espagnol d’abord, mais aussi dans celui de l’Union européenne de manière générale. D’autant plus que, au regard du poids de la région catalane, il allait sans dire que cela risquait de provoquer des dégâts collatéraux conséquents.

En cas de sécession, c’est le système bancaire de la Catalogne qui accuserait le coup. C’est que, selon le patron de la Banque centrale espagnole, l’indépendance signifierait, automatiquement, la sortie de la Catalogne de l’Union européenne, doublée de la sortie de la zone euro. Le cas échéant, les banques catalanes cesseraient, de facto, d’avoir accès aux facilités de la Banque centrale européenne.

D’ailleurs, la banque américaine Goldman Sachs a sorti dernièrement un rapport des plus alarmants quant au risque qui pèse sur l’économie européenne, compte tenu de l’instabilité politique que connaissait la région, notamment les soubresauts qu’elle a traversés avant l’investiture d’un nouveau gouvernement.

Plus encore, c’est surtout la possibilité de convoquer un référendum d’autodétermination en Catalogne, qui donne des cheveux blancs aux opérateurs économiques, entre autres. Selon la banque américaine, cette éventualité pèserait lourdement sur l’économie européenne de manière générale.

Effets d’entrainement…

Pour Goldman Sachs, le scénario d’une consultation référendaire aurait un effet négatif sur les prévisions de croissance économique, y compris les pays de la zone euro. Déjà que l’euro-zone peine à se positionner sur la voie de la reprise économique, ce scénario pourrait ajouter de nouvelles épines dans ses pieds.

Pire encore, cet état de fait risque, également, d’impacter négativement le moral des investisseurs au même titre que celui des consommateurs. Du coup, c’est le capital confiance qui s’éroderait encore davantage.

Le rapport de Goldman Sachs ne fait que confirmer l’alerte donnée, en septembre dernier, par les associations bancaires espagnoles. Les poids lourds du système bancaire avaient, en effet, annoncé qu’une déclaration unilatérale d’indépendance serait synonyme d’une exclusion de l’euro-zone. Et d’avertir que ces banques seraient amenées à reconsidérer leur stratégie d’implantation en Catalogne. Par voie de conséquence, cela se traduirait par la réduction de l’offre bancaire, conjuguée à une limitation d’accès au crédit que ce soit pour les entreprises ou pour les particuliers. Ce qui pourrait, on s’en doute, entrainer un effondrement de la capacité de créer de la richesse et de l’emploi, réduirait en peau de chagrin l’investissement, impacterait la consommation et on en passe.

La Banque centrale espagnole, par la voix de ses responsables, va encore plus loin. Pour elle, une déclaration unilatérale d’indépendance signifierait «la fin de l’accès au refinancement» de la Banque centrale européenne pour les banques catalanes.

Certaines déclarations, relayées par les médias, vont jusqu’à prédire le remake du scénario grec, soit l’éventualité d’un gel de dépôts bancaires.

Ce que pèse la Région

La Catalogne pèse très lourd dans l’économie espagnole. Située au nord-est de l’Espagne, cette région compte pas moins de 7,5 millions d’habitants, soit 16% de la population espagnole. Sur le plan économique, la catalogne crée le cinquième des richesses de tout le pays et représente le quart en matière d’exportation.

Par ailleurs, la Catalogne se présente comme la région la plus industrialisée de l’Espagne. Avec un tissu productif à la fois dynamique et diversifié, elle compte pas moins d’un demi-million d’entreprises, essentiellement, des PME.

Quid de l’UE ?

«Lorsqu’une partie du territoire d’un État membre cesse de faire partie dudit État, au motif, par exemple, qu’il devient un État indépendant, les traités cessent de s’appliquer à ce territoire. Autrement dit, une région nouvellement indépendante, deviendrait, du fait de son indépendance, un pays tiers par rapport à l’Union et les traités ne s’appliqueraient plus sur son territoire à compter du jour de son indépendance.»

C’étaient les propos tenus, en 2004, par l’ancien président de la Commission européenne Romano Prodi, quant au scénario qui attendrait une éventuelle entité née des entrailles d’une autre déjà partie intégrante de l’Union européenne.

D’autres observateurs évoquent qu’une telle entité devrait emprunter le chemin normal de toute adhésion. Or, l’entrée de plain pied dans l’UE, on le sait, nécessite l’unanimité des membres. Une unanimité plus qu’impossible. Madrid pèserait de tout son poids pour préserver ses intérêts

Et le foot dans tout ça ?

Au cas où le scénario de la sécession venait à se réaliser, ce sont aussi les amateurs du ballon rond qui risqueraient d’en pâtir. On pourrait alors dire «bye bye» au Clasico qui met aux prises les deux géants du football espagnol. Et c’est le FC Barcelone qui n’aurait plus de droit de cité dans la Liga, ainsi que son frère ennemi l’Espanyol.

Le football d’ailleurs n’est que l’une des vitrines les plus visibles du sport dans la région. Les autres disciplines sportives en paieraient également les frais. Non seulement l’activité sportive accuserait le coup, mais aussi tous les effets d’entrainement qu’elle génère.

Si certaines estimations font état d’un produit généré de la Liga variant entre 10 et 15 milliards d’euros, le Clasico, avec l’engouement planétaire qu’il suscite, pèserait à lui seul pour pratiquement la moitié de la cagnotte. Enorme !