L’Espagne en pleine tourmente

Les élections législatives n’ont pas permis de constituer une majorité en Espagne. Et pour cause ! La question catalane, la remise en cause de l’unité de l’Espagne est au cœur des divergences. Le nouvel exécutif installé à Barcelone promet la séparation dès 2017. Le risque n’est donc plus virtuel.

Le séparatisme catalan est présent historiquement. Sa virulence dépend cependant des conjonctures. Après la crise de 2008, il a connu une montée vertigineuse. La Catalogne se portant mieux économiquement, ses transferts vers l’Etat Central ont relativement augmenté. Mais ce raisonnement peut être inversé. Une Catalogne indépendante perdrait l’accès libre au marché européen et probablement au marché ibérique. Or, ces deux marchés sont vitaux pour l’économie de cette région. L’argumentaire économique est donc largement vicié.

Sur le plan politique, la constitution espagnole post-franquiste ne prévoit pas de séparation et fait de l’unité de l’Espagne un principe immuable. Tant qu’il n’y aura pas de réforme constitutionnelle, que seule une partie des dirigeants du Podemos réclame, l’Etat central sera fondé à empêcher tout séparatisme, et Rajoy a déjà annoncé qu’il le fera. D’autant plus que le risque de contagion est grand, si l’on pense au séparatisme basque, militairement vaincu, mais politiquement prégnant.

L’Espagne se dirige vers de nouvelles élections où la question de l’unité du pays sera centrale. Les électeurs du Podemos seront les premiers concernés. Ils ont voté pour un programme social idyllique, mais sont-ils tous en faveur de la dislocation de l’Espagne ? On peut en douter puisque les militants andalous de ce parti ont annoncé leur refus du séparatisme catalan. On risque de se retrouver avec une majorité unioniste dans le pays et une majorité séparatiste aux commandes de la Catalogne.

Dans les deux cas, les urnes ont parlé. Mais c’est une situation très difficile à gérer en démocratie. La solution pourrait passer par un élargissement de l’autonomie, qui permettrait de sauvegarder l’unité, sans obliger les indépendantistes à se renier. Cependant, cet élargissement ne peut être envisagé que s’il concerne toutes les régions, ce qui impliquerait la réforme de toute l’architecture territoriale et donc une réforme de la constitution.

Le casse-tête catalan intervient au moment où l’Espagne sort la tête de l’eau, avec une croissance qui redémarre et des comptes, enfin, au vert. L’unité de ce pays lui a permis d’installer la démocratie pacifiquement, d’intégrer l’Europe, de se moderniser rapidement. Les «generalidad », les régions autonomes, ont permis de gérer la diversité dans l’unité. Ce système peut-il absorber les déchirements actuels ? C’est ce que l’on peut souhaiter à nos voisins du Nord.