Justice, L’indispensable adhésion
Ahmed Charau00ef

C’est avec une grande facilité que les critiques pleuvent sur l’appareil judiciaire, à chaque occasion, renforçant la défiance vis-à-vis de l’une des institutions socles de tout échafaudage démocratique. Cette attitude est à la fois injuste et contre-productive. Injuste parce que les maux de la justice sont, en général, les mêmes que ceux de l’administration. Ce corps est peuplé de magistrats compétents et honnêtes qui agissent en toute conscience, les brebis galeuses étant loin de faire la majorité, comme le laissent entendre les critiques. On parle peu des moyens, mais ceux des tribunaux frisent l’indigence, l’encombrement allonge les durées des procès, au grand dam des justiciables, les salaires des magistrats ne sont pas à la hauteur de leur charge, les locaux sont exigus et l’exécution des jugements difficile. Cependant, il y a plusieurs avancées. On peut penser ce qu’on veut de la réforme mais elle a le mérite d’exister, d’apporter des réponses à de véritables problématiques. La spécialisation des tribunaux est un acquis et répond à une revendication unanime des magistrats. La réforme du code pénal, malgré ses imperfections n’est pas simplement un toilettage des peines encourues mais aussi un renforcement des droits de prévenus et une amélioration des garanties durant la garde à vue. La constitution d’associations de juges qui s’expriment sur le fond est un débat de dialogue social au sein de l’institution, qui reste à affiner certes, mais qui est en soi une avancée vers un consensus autour d’une vision de l’indépendance de la justice, clé de voûte de l’état de droit. Le flot de critiques est contre-productif, parce qu’il participe de la négation des avancées et surtout du refus des sanctions légales, perçues tout le temps comme «injustes». Sans l’adhésion à la primauté de la règle de droit, à l’égalité de tous devant elle, l’état de droit n’est qu’un rêve. Accepter les jugements émis, après un procès équitable, est l’acte citoyen le plus important, après l’acceptation de l’impôt. Les critiques sont aussi contre-productives, parce qu’elles polluent les débats en cours qui sont importants. Ces débats concernent aussi les valeurs sociétales qui doivent fonder l’action législative, puis judiciaire, l’indépendance de la justice, les droits de la défense. Un débat qui devrait concerner toute la société, ce qui est impossible dans un environnement peu propice, marqué par une défiance généralisée, alimentée par des faits divers. On ne le répétera jamais assez, l’éducation, la santé et la justice sont les trois priorités de n’importe quelle nation qui a fait les choix qui sont les nôtres, c’est-à-dire la démocratie, la modernité, la solidarité. Il faut donc remettre le débat sur ses pieds. S’attacher aux questions de fond, respecter l’institution et ceux qui y opèrent, y compris en revalorisant leur statut, mais aussi en refusant les généralisations abusives, améliorer la connaisse des règles de droit par le public, est essentiel pour réussir la réforme. Les démocrates en général, les médias en particulier, ont le devoir d’accompagner cette transition difficile. Car, nous passons d’une justice corsetée par les différents pouvoirs du temps de l’absolutisme, à une justice indépendante, qui est en marche vers l’indépendance. Tout remettre en doute, opposer la suspicion aux efforts, la fatalité aux volontés affichées, ne participe pas à l’édification de l’Etat de droit, mais l’handicape.