Grand rendez-vous avec Ilyas El Omari - Entretien exclusif intégral en vidéo + retranscription

Le mardi 2 mars, Ilyas El Omari a été l’invité du premier «Grand rendez-vous» organisé par le groupe Medi Edition à l’hôtel Hyatt Regency de Casablanca. Durant deux heures, devant de hauts responsables de son parti dont notamment Mustapha Bakkoury, Hassan Benaddi, Habid Belkouch et une centaine d’autres convives, le Secrétaire général du PAM a répondu, avec sincérité, mais aussi avec l’habilité qui le caractérise, aux questions de Ridouane Ramadani de Medradio, Abdelhadi Gadi de L’Observateur du Maroc et d’Afrique, Mohamed Abouyahda d’Al Ahdath Al Maghribia et Mohamed Mahla de Kifache.tv.

Ilyas El Omari : «Nous sommes venus affronter les islamistes pour défendre les musulmans»

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : L’évocation du nom d’Ilyas El Omari chez de nombreuses personnes renvoie à l’espièglerie, à l’homme de coulisses et à d’autres attributs qui ne sont pas tous positifs. Quelle est la part de vérité dans tout cela ?

Ilyas El Omari : On peut me qualifier comme on veut, mais je suis comme je suis et mon parcours est connu. Certains me jugent à travers le prisme de la concurrence politique, me collant même parfois des adjectifs animaliers. D’autres me jugent comme ami. Cela fait partie de la liberté d’expression et je fais avec.

Après la projection du reportage effectué par l’équipe de Medradio sur Amenoud, le douar de la province d’Al Houceima où vous êtes venu au monde, quel est votre sentiment ?

(Les larmes aux yeux) C’est en effet dans cette maison que je suis né en 1967, selon le livret de l’état civil. Mon douar est resté toujours le même.

Comment se fait-il donc que douar Amenoud reste toujours dans le même état alors que l’un de ses fils est devenu décideur ?

Je reviens de temps à autre à mon douar. Ma mère habite encore là bas, tout comme la moitié de mes frères. C’est aussi là bas que mes soeurs se sont mariées. Et c’est vrai que l’état du douar est resté le même. Il y a juste l’école où j’ai débuté ma scolarité, une base militaire espagnole à l’origine, qui a connu certaines améliorations.

Mais pourquoi n’avez-vous rien fait pour bâtir une nouvelle maison dans votre douar ?

Il faut savoir que par temps de sécheresse, il est mal vu de construire au douar et par temps pluvieux, les routes sont coupées. Donc c’est à chaque fois compliqué. Il n’empêche, mon frère, qui tient un café spécialisé en grillades de sardines, est en train de construire une demeure donnant sur la route. En tout cas, je reste attaché à la maison où je suis né et où j’ai d’inoubliables souvenirs. La preuve, j’ai même dû m’approprier un espace qui était réservé à une vache pour me faire construire une chambre à coucher à la place de celle que j’occupais durant mon enfance et que mon frère a réaménagée en lieu de lutte contre l’analphabétisme pour les femmes du douar.

Comment avez-vous passé votre enfance dans le douar d’Amenoud ?

Je l’ai passée comme la passent de nombreux enfants marocains. J’ai vécu au milieu de mes treize frères et soeurs dont une est décédée. Nous menions somme toute une vie ordinaire. Nous avons essayé d’être tous scolarisés, mais nos moyens ne le permettaient pas. J’ai eu la chance d’avoir un père qui était ouvert d’esprit. Il était instituteur avant de devenir, pour des raisons de santé, fkih. Qu’il ait donné le prénom d’Ilyas, en 1967, à l’un de ses fils veut tout dire. Nous avons grandi aussi avec un grand-père qui avait fait partie de la jeune garde rapprochée de Abdelkrim El Khettabi et qui est devenu adoul après sa sortie de prison au cours de la période coloniale. Il a été de nouveau incarcéré entre 1958-1959, avant d’être relâché. Il a été ensuite nommé «caïd». Poste qu’il a occupé jusqu’en 1960. Quand j’étais obligé d’aller me chercher une place dans un internat en ville pour pouvoir poursuivre mes études, je suis allé le voir et lui ai demandé pourquoi il n’avait pas de propriété comme les «chioukhs» et les autres «caïds», pour me faire éviter toutes ces tracasseries. Il m’a répondu : «Je ne veux pas m’accaparer les biens des autres.» J’ai alors retenu la leçon.

Beaucoup a été dit et écrit sur votre scolarité. Mais qu’est-ce qui vous a réellement poussé à interrompre vos études ?

On dit et on écrit énormément de contre-vérités sur ma personne. La vérité c’est qu’après avoir achevé mes études primaires dans les années 80, je suis allé à Imzouren où j’ai intégré un internat. C’est là d’ailleurs que j’ai découvert qu’il y avait du pain blanc. On nous servait un bon café avec du lait en poudre. Quand on mélangeait les deux, une bonne couche de mousse se formait. J’ai eu le malheur un jour de comparer cette délicieuse boisson, en plaisant bien sûr, à un mélange d’eau et de son issu de céréales. Cela m’a valu une sévère bastonnade de la part du directeur qui me demandait en me tabassant si ma mère me servait un café-au-lait de meilleure qualité. C’était la première fois que je comprenais qu’il y avait des mouchards et que tout finissait par tomber dans les oreilles des responsables.

Résultat ?

J’ai été expulsé de l’internat en 1982. J’étais alors obligé d’être en colocation avec des lycéens qui étaient en 6e ou au baccalauréat pour la plupart, donc plus âgés que moi et plus expérimentés. Tous s’intéressaient à la politique et au militantisme. Comme eux, je devais assurer pleinement mon tour de travaux ménagers, je préparais des repas, je pétrissais le pain, etc. Mais cela n’avait rien à avoir avec la pénibilité des tâches que j’assurais auparavant chez moi où je devais servir de berger, de porteur d’eau, entre autres. Dans ma nouvelle vie, pour assurer ma semaine, je n’avais que 10 DH d’argent de proche. Une somme que me remettait mon père le jour du souk. Je m’interdisais de rentrer chez moi les week-ends pour ne pas grever ma petite bourse. Je profitais de mon temps libre pour dévorer les livres de mes colocataires. Tout cela m’a permis de grandir.

C’était avant les fameux évènements de 1984…

Pour être précis, c’était avant les événements d’Oujda survenus en décembre 1983. A cette date, il y a eu un terrible assaut policier au sein de l’université. De nombreux étudiants venus d’Al Houceima ont été incarcérés, Hakim Benchammach était parmi eux. Ceux qui ont pu s’enfuir nous ont rapporté que certains de nos camarades ont été tabassés à mort et d’autres incarcérés. D’où les mouvements de protestation qui ont été déclenchés à l’époque à Imzouren. Ne sachant quoi faire face à cette situation, je suis rentré chez moi. Avant même d’arriver à destination, j’ai rencontré mon père et je lui ai raconté ce qui s’était passé. Il m’a aussitôt sommé de revenir de là où je venais en me lançant cette phrase inoubliable : «Il vaut mieux revenir mort plutôt que lâche.» Je suis alors revenu grossir les rangs des grévistes, aux côtés de mes colocataires.

Etiez-vous à ce moment-là membre d’un quelconque courant politique ?

Pas du tout en ce qui mon concerne, mais mes colocataires étaient tous des sympathisants de la gauche radicale. Pour en revenir à la grève, la contestation s’était poursuivie et les cours ont été boycottés, même après les vacances. Arrive le 13 janvier 1984, date à laquelle les forces de l’ordre ont commencé à tirer à balles réelles, faisant un premier martyr dans la province d’Al Houceima. Peu de temps après, la tension est retombée et les cours ont repris. J’ai moi aussi repris le chemin de l’école, mais à ma grande surprise, j’ai été expulsé du collège où je poursuivais mes études en 2e année secondaire. Aucun autre établissement n’a plus voulu de moi. J’ai parcouru toute la ville d’Al Houceima pour reprendre ma place de collégien, en vain. Une fiche jaune qui était dans mon dossier me fermait toutes les portes. Perdant tout espoir, il ne me restait qu’à rentrer chez moi pour devenir berger à plein temps. Comme dernier recours, je suis allé à la délégation régionale de l’enseignement d’où on m’a chassé sans ménagement. Déçu, à ma sortie, j’ai fait quelques pas et me suis assis pour pleurer. Me voyant dans cet état, un homme, un ange, dois-je dire, s’est dirigé vers moi. Abdelghafour, c’est le prénom de cet inconnu, a pu me convaincre de lui raconter mon histoire. Il a vaincu ma réticence et a pris mon dossier pour défendre mon cas auprès de la délégation. Nouvelle grande surprise, heureuse cette fois-ci, il a pu obtenir ma réintégration. C’est lui qui m’a emmené à Sidi Abed où j’ai rencontré un proche parent, fils de ma tante Rahma, qui officiait comme surveillant général dans ce qui allait devenir mon nouveau collège. Ce proche a dû signer lui-même un engagement écrit pour permettre ma réinscription. J’étais sauvé.

En avez-vous alors fini avec le militantisme ?

Au contraire, deux ou trois mois après, je suis devenu un vrai casse-tête au fils de ma tante Rahma à cause de mon activisme. Même si je n’avais aucun engagement partisan formel, j’étais proche de la gauche radicale et des étudiants «Kaidyine» (basistes). Ce mouvement estudiantin est pour moi, et contrairement à ce qu’on en dit aujourd’hui, une expérience humaine extraordinaire.

Que s’est-il passé ensuite ?

Les grèves se sont poursuivies jusqu’en 1986. Les mouvements estudiantin et travailleur se sont alliés. Les pêcheurs syndiqués ont été rejoints par des salariés du privé. Il y avait notamment deux fabriques de briques dont une appartenait à mon oncle maternel qui avait embauché mon frère comme chauffeur. J’ai moi-même appelé ce frère et l’ai convaincu d’intégrer le mouvement syndical. Il a vite constitué un bureau syndical dont il est devenu secrétaire général. Résultat, l’usine a fermé et n’a jamais repris son activité depuis. Bien sûr, mon oncle ne m’a jamais pardonné ce coup.

C’est à ce moment-là que vous avez disparu des radars. Pourquoi ?

J’étais poursuivi à l’époque pour de lourdes charges. Certains de mes amis ont été incarcérés et torturés. On a alors parlé d’une organisation secrète dont on disait que j’étais le meneur. Pour me retrouver, notre maison a été fouillée et il y a eu des incarcérations en série de Belaïchi, Aïssa, Mounaïm, Jamal Mahdali et Jamal Akkouh qui s’était exilé avant de rentrer finalement au pays.

Et vous, où vous étiez-vous caché ?

Je me suis sauvé. Durant deux années, mes connaissances m’appelaient Aâmar pour me protéger. C’est ce surnom d’activiste qui figurait d’ailleurs dans certains PV judiciaires sur la base desquels j’ai été condamné en 1987, par contumace, à 5 ans de réclusion. C’est là où une nouvelle étape de ma vie a commencé.

C’est justement là que débute une période de grand mystère dans le parcours d’Ilyas El Omari. Que s’était-il réellement passé ?

Je suis parti à Tanger où je suis resté deux ou trois mois. Pour avoir de quoi vivre, j’ai tout fait : porteur, vendeur de légumes et bien d’autres petits boulots. Après les vacances scolaires, je me suis rendu à Fès. Dans cette ville, j’ai vécu encore une fois au milieu d’étudiants basistes et avec des camarades que j’aime beaucoup jusqu’à aujourd’hui. J’ai réellement commencé ma formation aussi bien politique qu’académique à ce moment-là. L’une de mes missions de militant m’a mené à Rabat. La ville m’a plu et j’y suis resté. J’étais en bonne compagnie avec Moutawakil, Abdelhadi et le martyr Chbada Abdelhadi, paix à son âme. Un certain temps, pour m’intégrer dans le quartier Rja’f’Allah où j’habitais, je m’improvisais «grilleur» de têtes de moutons. Mais en 1989, j’allais entamer un autre virage dans ma vie. Je m’étais lancé, avec Zaïdi, dans la maison d’édition Al Bayadir où nous avons publié notamment l’ouvrage de Belkziz «Du soulèvement à l’Etat». C’était à l’époque où j’ai été amnistié avec le reste des détenus politiques et les exilés.

En fait, vous aviez interrompu vos études à quel niveau exactement ?

En 4e année secondaire.

Mais cela ne vous a pas empêché de décrocher un bon poste…

En 1992, j’ai intégré une grande papeterie. A ce moment-là, j’ai dû étudier la gestion aux frais de mon employeur. Ceci dit, je ne me suis jamais soucié pour mes études, mais faisais tout pour que d’autres puissent décrocher de grands diplômes. J’ai d’ailleurs hébergé chez moi à Rabat d’anciens camarades qui avaient été incarcérés à cause de notre activisme. Certains parmi eux sont médecins aujourd’hui. J’aurais pu passer ce qu’on appelait la Capacité qui m’ouvrait la voie des études supérieures de droit, mais je n’ai jamais voulu le faire.

Est-ce vrai que vous préparez maintenant un doctorat ?

C’est vrai, mais j’estime que cela n’intéresse guère l’opinion publique. A mon sens, l’homme politique est jugé à l’aune de son action politique et pas sur autre chose.

Mais certains éléments de la vie privée peuvent renvoyer à une certaine lecture politique. Est-ce anodin, par exemple, que vous ayez prénommé vos enfants Naji, Souha et Abdelkrim ?

Je suis très sensible à la cause palestinienne. Je connais les dirigeants et les martyrs palestiniens plus que certains de mes proches. Bien sûr j’étais impressionné par les dessins du caricaturiste palestinien Naji al-Ali, c’est pour cela que mon aîné porte son nom. Idem pour la militante Souha Bechara qui était incarcérée et pour laquelle j’ai milité au sein d’un mouvement présidé par Assidon. Après sa libération, notre amie palestinienne est venue au Maroc et a vu ma fille, qui était encore bébé. D’où mon choix du prénom. Et le choix du prénom de Abdelkrim pour mon cadet est tout à fait naturel.

L’un de vos enfants appartient au Mouvement du 20 février. Qu’en dites-vous ?

Et après ?

Il y avait des photos de vous brandies par certains manifestants. Cela ne vous pose-t-il aucun problème ?

Aucun. Au contraire ! Mon fils m’a même raconté qu’il avait demandé aux autres manifestants de ne pas jeter mes photos après la fin de la marche pour qu’on ne les piétine pas.

Revenons à l’époque où vous travailliez pour une papeterie, vous livriez du papier à Abdelilalh Benkirane. Vous entendiez-vous bien tous les deux à ce moment-là ?

J’avais de bonnes relations avec Benkirane, comme avec bien d’autres clients dont feu Abdeslam Yassine, entre autres.

Vous faisiez uniquement du commerce, pas la politique ?

C’était mon patron qui faisait du commerce, moi je faisais les deux.

Parlez-nous de vos premières rencontres avec Benkirane.

Nous nous étions rencontrés plusieurs fois à cette époque. Il m’a même invité chez lui, m’a présenté sa femme, sa mère et son beau-père. Il leur a même dit que s’il lui arrivait malheur alors qu’il me devait encore de l’argent, ils devaient honorer sa dette envers moi. Je dois juste préciser que Benkirane me payait cash, mais jamais par chèque. Peut-être n’avait-il pas encore de compte bancaire, je n’en sais rien. En tout cas, c’était un bon client, contrairement à d’autres hommes politiques auxquels j’ai eu affaire.

N’aviez-vous pas imaginé à cette époque-là que vous alliez vous retrouver tous les deux en tant qu’acteurs majeurs de la scène politique nationale ?

Aucunement. Vous savez, j’ai préparé ma retraite anticipée, que je voulais prendre à l’âge de 45 ans, en payant doublement mes cotisations lorsque je travaillais comme salarié pour le compte de mon dernier employeur. C’est vous dire, que je n’avais jamais pensé être là où je suis aujourd’hui.

Qu’est-ce qui a totalement chamboulé vos plans ?

Bien des choses. Je n’imaginais pas que je pouvais exercer la politique en dehors de la clandestinité et je l’ai fait au sein du Mouvement pour tous les démocrates. Je ne m’imaginais pas intégrant un parti légal. Je l’ai fait au sein du PSU. Je ne m’imaginais pas travaillant aux côtés d’autres acteurs politiques que ceux de gauche et je l’ai fait. Soit dit en passant, j’avais même des réserves sur la création du PAM. Mais j’ai appris qu’au contact de la réalité et de ses contraintes, il faut être pragmatique.

Qu’est-ce qui caractérise aujourd’hui votre parti par rapport aux autres ?

Nous sommes une formation qui a été créée d’une manière singulière au niveau national, dans le cadre d’une réconciliation des Marocains avec leur histoire et avec leur passé pour s’assurer un meilleur avenir. Les différences des parcours et des références politiques des membres de notre parti confirment cette singularité. Nous nous sommes unis autour de la ferme conviction de pouvoir secouer le cocotier politique et nous y sommes parvenus.

La vie politique n’étant jamais un fleuve tranquille, n’était-il pas question au moment de la grande tempête de dissoudre votre parti ou du moins de se faire oublier le temps que passe l’orage ?

C’est faux pour la simple raison qu’il n’y a jamais eu de tempête. Il ne peut y avoir de tempête ni d’orage sans fond. N’oubliez pas que je connais bien la rue. Quant à se faire oublier, je précise qu’il m’a été demandé simplement, quand j’étais président de la commission électorale nationale du PAM, de ne pas dépasser 50 parlementaires et d’y aller mollo. Ce que j’ai fait.

Qui vous l’a demandé ?

Le Secrétaire général et le président du Conseil national de notre parti. Et si vous voulez savoir qui le leur a demandé, à eux, vous n’avez qu’à leur poser la question. En tout cas, si nous n’avions pas limité le nombre de nos candidats au niveau national, le PAM aurait pu avoir plus de 107 parlementaires. D’ailleurs, avec nos 47 sièges obtenus sans présentations de listes locales, nous n’étions qu’à 200.000 voix de différence avec le vainqueur.

Cette demande d’y aller mollo ne confirme-t-elle pas qu’il y a encore de l’interventionnisme dans les décisions des partis ?

J’ai déjà déclaré solennellement que le parti secret dont parlait le Mouvement national à son époque est encore actif. J’ai même affirmé que ce parti intervient aujourd’hui d’une manière ostentatoire alors qu’il le faisait secrètement par le passé. L’interventionnisme dont je parle se manifeste, par exemple, quand une autorité gouvernementale qualifie un tel de mauvais et le traite de tous les noms. Quand un parti arrive au pouvoir, il devient par la force des choses influent. Il doit donc s’interdire d’accabler ses concurrents, sinon il fausse le jeu.

Qu’en est-il alors de l’indépendance dans la prise de décision des partis ?

L’indépendance dont vous parlez n’est pas totale même chez le parti démocrate américain. Tout est relatif. Nous influençons des décisions et nous subissons fatalement des influences, qu’on le veuille ou pas. Nous interagissons avec notre environnement au vu des actions et des réactions des acteurs en présence.

Dans le projet fondateur de votre parti, vous avancez que vous êtes venus affronter les islamistes…

Mais complétez donc la phrase ! Nous sommes venus affronter les islamistes pour défendre les musulmans.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Le musulman est celui qui entretient, d’une manière strictement personnelle, son rapport avec Dieu.

Quels sont ces islamistes que vous êtes venus affronter ?

Ce sont ceux qui ne croient pas en une nation commune, et ils sont nombreux aujourd’hui. Ce sont ceux qui se considèrent la meilleure oumma créée pour l’humanité et que tout le reste est puéril. Ce sont les takfiristes. Ce sont ceux qui profèrent les fatwas à profusion. Ce sont ceux qui ont pour projet de réinstaurer le Califat. En tant qu’acteur politique, je suis contre tous ceux-là. Mais je ne suis pas policier pour savoir qui est avec eux et qui ne l’est pas.

Appelle-les donc par leur nom, ils ne sont tout de même pas des fantômes…

Non, ce ne sont pas des fantômes. Les auteurs des explosions qui surviennent un peu partout ne sont pas des fantômes. Les milliers de Marocains qui ont rejoint les rangs de Daech ne sont pas non plus des fantômes. Ce sont nos fils. Ils sont partis de notre propre pays. Dans quelles écoles étudiaient-ils ? Quels livres lisaient-ils ? Qui leur a ouvert les yeux ? Qui les a envoyés ? Est-ce que Daech lit Sayed Qutb ? Oui. Quelles sont donc les références idéologiques des terroristes? Mon rôle est de les combattre politiquement et idéologiquement. Pour ce faire, nous avons créé une Fondation pour former des jeunes militants capables de mener ce combat avec nous. Je rappelle que le Maroc n’a jamais connu l’instauration d’un Etat islamique, mais a plutôt connu la création d’un Etat musulman. L’allégeance des Marocains à Idriss 1er signifiait un rejet catégorique du Califat islamique moyen-oriental auquel s’était opposé ce sultan. Notre pays se distingue aussi par sa capacité à créer une parfaite harmonie entre la pratique religieuse et ses spécificités locales en matière vestimentaire et autres.

En perspective des prochaines élections, qu’est-ce qui vous guide dans le choix de vos alliances futures, le politique ou l’idéologique ?

Les deux à la fois.

Mais est-ce que vous avez au moins des préférences ?

Notre préférence va bien sûr au camp démocratique moderniste.

Est-ce que l’USFP répond aux critères pour figurer, à vos yeux, dans ce camp ?

C’est ce parti qui est porteur, depuis 1975, du projet démocratique moderniste. Ce projet n’est pas la propriété des Ittihadis, mais des forces populaires.

Quid de l’Istiqlal ?

Historiquement, PI et USFP n’ont pas renouvelé leur discours idéologique. L’Istiqlal post indépendance est moderniste, malgré l’influence du salafisme moyen-oriental qu’il a subi. Quant à l’USFP, il a été beaucoup influencé par la philosophie occidentale des lumières, en particulier française.

Serait-il envisageable que le PAM s’allie avec le PJD, en perspective des prochaines élections ?

Il se pourrait qu’Ilyas El Omari vous donne une position aujourd’hui, mais le Secrétaire général ne peut se hasarder à le faire. En tout cas, le PAM ne peut mettre sa main que dans celle de partis porteurs du même projet qu’il défend.

Si le PAM arrive premier à l’issue des prochaines législatives, verra-t-on Ilyas El Omari à la tête du gouvernement ?

Nous avons soumis un projet de loi pour que le chef d’un parti en exercice ne puisse pas devenir chef de gouvernement. Le but est d’éviter le mélange des genres auquel nous assistons aujourd’hui. Mais la majorité n’a pas voulu passer ce projet. En ce qui me concerne, si j’avais le choix puisque celui-ci demeure institutionnel, j’opterais pour le secrétariat général de mon parti.

En tant que président de région, est-ce que vous comptez accepter les indemnités qui vous seraient versées ?

Si indemnités il y aura, la moitié ira, en ce qui me concerne, à une ONG que préside un ami. L’autre moitié, je la verserai à des associations locales dans ma région. Mais je ne suis pas contre ces indemnités.