Le come-back de Elam Jay

'Après 7 ans d’absence, l’interprète à la voix cassée de « Morena » revient au Maroc avec trois projets : un duo inédit avec Feu Rajaa Belmlih, une chaîne de télévision culturelle et un album en anglais « Sunshine ».'

Pourquoi avoir disparu toutes ces années ? Je fais plusieurs arrêts pour pouvoir me réinventer, trouver des nouvelles idées. Avec ma boîte de production, je peux sortir une chanson tous les 2 mois, mais je ne le fais pas, parce que je veux éviter de me répéter ! Michael Jackson sortait un album tous les 4 ans.

Vous allez bientôt sortir un duo avec Feu Rajaa Belmlih. Comment l’avez-vous rencontré ? Je n’avais pas prévu de travailler avec Rajaa, à l’époque, j’étais connu avec « Morena », j’étais le seul homme qui s’exportait au Moyen Orient. La rencontre avec elle, c’était pour moi un choc, c’était émouvant, c’était un rêve de bosser avec une grande artiste comme elle. Lorsqu’elle est venue me voir à mon studio à Casa, elle était déjà malade, elle était très claire dans sa manière de travailler, elle voulait revenir sur le marché marocain avec un style qui se rapprochait de ce que j’avais fait avec Derham. A l’époque, c’était la 1ère artiste connue dans le monde arabe à vouloir faire une chanson en darija. Je lui ai montré pas mal de maquettes, dont « Awlayillah », que j’avais enregistré en guitare, ça lui a plu. On a fait des tests, on a enregistré les couplets, les refrains. Après, elle voulait faire un clip.

Vous avez enregistré le duo en 2005-06. Pourquoi avoir choisi de le sortir maintenant ? Quand on a enregistré la 1ère version, je chantais ma partie en espagnol et il y avait un côté positif assez joyeux, puis, son état s’est dégradé et elle ne répondait plus au téléphone. J’ai appris par la suite qu’elle était morte. C’était un choc pour moi, je la voyais presque guérie et elle était heureuse de pouvoir relancer sa carrière après un arrêt de 4 ans. Mais elle avait un côté malheureux au fond d’elle, quand elle a écouté « Awlayallah », elle avait aimé son côté « sad » et s’était identifiée aux paroles. Elle parlait un peu de sa maladie, des jaloux... Après sa mort, je l’avais mis de côté comme beaucoup de chansons d’ailleurs. Un jour, j’ai rencontré à Dubai le journaliste Rabii Hinidi et je lui avais parlé de mon duo avec Rajae, et c’est lui qui m’a encouragé à sortir la chanson en me disant qu’il ne fallait pas se soucier de ce que les gens allaient dire.

La chanson a une dimension spirituelle ? J’ai réécouté le projet et c’est là où je me suis rendu compte de la force des paroles. En fait, je l’ai écouté pleurer sa maladie, j’étais choqué, c’est comme si elle savait qu’elle allait décéder ; j’ai alors enlevé mes paroles en espagnol et j’ai réécris ma partie en anglais tout en laissant ce côté un peu happy. Je n’ai pas voulu la rendre négative, je voulais juste que mes paroles soient plus proches des siennes et ramènent un côté spirituel dans la chanson.

Que répondez-vous à ceux qui pensent que votre seule motivation en sortant ce duo, c’est l’argent ? La famille de Rajaa (son père, son frère…) m’a donné son autorisation pour que je sorte ce duo et on s’est mis d’accord que tous les revenus de la chanson soient versés à des fondations caritatives contre le cancer. J’ai même convaincu la société productrice qui détient le Master que ses propres bénéfices aillent à ces associations. Les revenus d’un artiste viennent des ventes et des concerts, du coup, sur un projet comme celui là, ils ne sont pas énormes. Et je ne peux pas tourner avec cette chanson car elle ne correspond pas à la direction que j’ai choisie pour mon nouvel album.

Son mari veut porter plainte ? Il a le droit de le faire. J’ai cherché à l’appeler en Egypte, pour des raisons humaines, mais je ne l’ai jamais eu au téléphone. Au niveau juridique, tout est régi par des lois internationales, les droits d’auteur, de compositeur, ... Rajaa n’était ni auteur ni compositeur, elle a droit à des Royalties sur les ventes. Un jour, une société, qui ne détient pourtant pas le Master, m’a appelé, en me signifiant qu’elle était propriétaire du « publishing », des droits d’auteur. J’ai répondu que pour les droits de propriété, il fallait s’adresser à la société qui s’occupait des ventes, et qui est domiciliée aux USA. Les royalties par rapport aux ventes ne sont pas énormes, combien de vente se font aujourd’hui sur le net ? Tout le monde écoute la musique gratuitement.

Vous comptez lancer une télévision artistique et musicale ? Oui, elle sera satellitaire et elle permettra d’exporter notre image, notre identité et notre musique ailleurs. Notre culture est très riche et je suis fier d’être marocain et d’avoir cette culture qui me colle à la peau. Aujourd’hui, en tant que citoyen qui se respecte, je suis obligé de prendre un risque. C’est un véritable challenge…Dotée d’un budget de 4.5 millions d’euros, la chaîne va être basée à Londres, et les 1ers tests d’émission se feront en septembre 2016. Pour le contenu, environ 40% sera dédié au Maroc (production de jeunes artistes) et 60% seront concerneront la culture en Afrique du nord et centrale, à la culture orientale, anglophone et francophone…c’est un pari difficile parce que la cible est très large, et c’est ce qui m’excite. C’est un projet que je fais avec le cœur.

Votre dernier Album « Sunshine » sort bientôt aux USA : C’est un mélange de R&B, Hip Hop avec un peu d’électro. Il y a une partie autobiographique, personnelle où je parle de mon histoire, de mes sentiments, des moments où je suis bien, un peu « good boy », où je parle de choses qui me touchent comme ma famille, mes enfants; et puis, il y a un côté fêtard plus « bad boy ». J’ai 41 ans et j’ai eu une jeunesse sérieuse, je n’ai jamais bu, ni fumé ni pris de drogue et je n’ai jamais eu l’envie d’essayer. J’ai endossé la responsabilité à l’âge de 12 ans, du coup, aujourd’hui, je me sens un peu trop vieux pour mon âge ! Je ne me suis pas assez amusé, mais il y a toujours un enfant qui sommeille en nous prêt va se manifester. Aujourd’hui, c’est une chance pour moi de pouvoir revivre avec mes deux filles de 10 et 4 ans mon enfance, on joue, on chante. C’est une manière de les éduquer et d’être proche d’elles. Une de mes filles danse et chante super bien, la petite est une actrice incroyable, mais comme c’est un domaine qui est dur, j’essaie de les accompagner pour qu’elles puissent évoluer dans un environnement plus sain.

Pourquoi avoir fait plusieurs duos ? C’est une richesse pour moi. Je ne me suis jamais considéré comme un artiste interprète. C’est plus intéressant de mélanger deux mondes, car la création c’est donner une nouvelle image à des choses déjà existantes. Ça me permet d’évoluer et pour exister, il faut se servir de son passé et voir ce qui existe déjà. Au-delà du partage qui crée une énergie positive, il y a un côté commercial car, plus on collabore avec quelqu’un, plus on élargit sa cible. Ce genre de mix est très courant aux USA, dans le monde arabe, il n’y a pas ce côté créatif car l’artiste n’a que sa voix comme atout.

La scène, c’est important pour vous ? La scène, c’est toute ma vie. J’ai commencé à chanter à 5 ans et à 16 ans, je donnais des cours de danse de Michael Jackson, dans un fitness. Je suis quelqu’un de nerveux dans la manière de faire, j’ai une rage à l’intérieur et il faut que je l’exprime. Si je traîne trop, je tombe malade.

Vos passions ?  J’écris aussi des scénarios de films. J’ai déjà collaboré avec Rayan Lee. Je m’inspire beaucoup de ma culture (aissawas, gnaouas...) et de ce  rythme ternaire qui me colle à la peau ! J’aime les histoires à la Walt Disney, avec des happy-ends, parce que dans les pays arabes, on a besoin de voir des choses positives ; les choses négatives on les voit tous les jours !