La permanence d’une alliance
Ahmed Charau00ef

L’alliance entre le Maroc et les pays du Golfe et celle entre cet ensemble et les USA ont fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. Il parait nécessaire de rappeler, de préciser quelques faits historiques, qui permettent de saisir ce qui relève du variable, du changement et ce qui est de l’ordre du permanent. La relation avec les USA est très ancienne. Quelques années après la création de l’Arabie Saoudite, Abdelaziz Al Saoud, son fondateur, a rencontré le Président américain Roosevelt sur un navire de guerre, pour sceller une alliance qui survivra aux aléas des affaires du monde, en particulier au premier choc pétrolier de 1973. Pour le Maroc, cette relation date de l’indépendance des Etats-Unis. Cette alliance est bien évidement dépendante de l’environnement international. La guerre froide imposait des règles, celles d’un camp prédéfini, exclusif. Aujourd’hui, nous sommes face à un monde multipolaire où tout Etat souverain a intérêt à diversifier ses relations internationales pour mieux défendre ses intérêts, sa place sur l’échiquier. Le Maroc n’en fait pas mystère et c’est le sens du discours royal au sommet de Ryad. Dans notre pays, le choix fait est celui de consolider les relations bilatérales avec l’Europe, en particulier, l’Espagne et la France, relations économiques, humaines, culturelles très denses, mais aussi avec l’Afrique subsaharienne. Aucune de ces relations n’est exclusive. Au contraire, plus le maillage est dense, plus il renforce chaque relation particulière. Car tout Etat aspirant à l’émergence économique doit préserver une réelle présence sur la scène internationale. D’autant plus que la question du terrorisme est prégnante. La guerre contre ce phénomène transnational nécessite une coopération multilatérale où le Maroc est une pièce centrale mais qui doit impliquer les deux continents, et globalement toutes les puissances. En fait, tous ces débats sur les variations stratégiques sont nés de l’accord nucléaire avec l’Iran. L’administration Obama a mécontenté à la fois Israël et ses alliés du Golfe, pour des raisons différentes. Les monarchies du Golfe voient d’un mauvais oeil la levée des sanctions, le nouveau pouvoir financier d’un Iran impliqué, fortement, dans une lutte régionale, en utilisant le Chiisme. Ce à quoi l’administration américaine en place répond en disant qu’elle évite la bombe iranienne tout en maintenant la pression. Position qui n’a pas le soutien du congrès américain, hostile à un retour de l’Iran, comme le conçoit le Président Obama. Le cas d’Israël est particulier, parce qu’aux USA, quelque soit la majorité, la sécurité de l’Etat hébreu est considérée comme relevant de la sécurité nationale américaine. Obama s’escrime à expliquer à ses alliés de la région que son pays continuera à assurer leur sécurité. On ne peut pas dire que ces alliances sont fragilisées, ou remises en cause. Le changement réside dans le fait que l’administration américaine en place, et pour des raisons parfois qui lui paraissent pragmatiques, se voit obligée de tenir compte du rôle régional de l’Iran, sans abandonner son soutien traditionnel. C’est un chemin de traverse difficile à appréhender, sans se convaincre que les politiques stratégiques ont des ADN, qui font que le conjoncturel, aussi médiatisé soit-il, touche rarement le fondamental. D’un côté, les USA n’ont aucun intérêt à distendre leurs alliances au sein du monde arabe. La région est centrale dans leur vision stratégique et ils ne peuvent se permettre d’y perdre leur influence au profit d’autres puissances. De l’autre, les monarchies du Golfe ont tout intérêt à maintenir cette alliance, face au danger iranien. C’est donc une alliance dictée par l’intérêt et non pas par la passion, ce qui fait sa pérennité. Que les modalités soient appelées à changer, personne ne peut le contester. C’est ce qui se passe d’ailleurs sous nos yeux, en toute transparence. Cela relève de la rénovation d’une alliance pérenne, historique.