Insupportable dérapage
Ahmed Charau00ef

Le chef du gouvernement, dans une nouvelle sortie controversée, accuse ouvertement le ministère de l’Intérieur d’intervention dans le cours de la justice, dans l’affaire du Caïd accusé de harcèlement. Ces accusations appellent plusieurs commentaires. Le premier est que le ministère de la Justice, c’est-à-dire le parquet est tenu par un membre important de la direction du PJD. Mustapha Ramid se serait donc laissé influencer par son collègue de l’Intérieur, une aberration. Le second, c’est que cette accusation touche deux institutions essentielles pour la construction démocratique, mais aussi pour la sécurité du pays. Que le chef du gouvernement, lui-même, remette en cause leur fonctionnement n’est pas anodin. Pire, c’est même un grave dysfonctionnement. Malheureusement, le chef du gouvernement n’est pas le seul homme politique à tomber dans ce genre de piège. Les décisions de la justice sont souvent politisées et de manière indigne. On l’a vu sur la question des élus invalidés, mais aussi sur bien d’autres. Par ailleurs, la solidarité gouvernementale n’opère que rarement, les ministres chargeant rapidement leurs collègues dès qu’ils sont dans un cadre partisan. Ceci participe à diffuser un sentiment de défiance généralisée, qui ne sert que les intérêts des nihilistes. La prétendue omnipuissance du ministère de l’Intérieur repose sur une réalité. Les missions de ce ministère vont de la sécurité à l’aménagement du territoire, en passant par les services publics dans les régions éloignées, l’animation des affaires économiques et le combat contre la précarité via l’INDH. Pour ce faire, il est doté de cadres compétents, en nombre. Depuis le départ de Driss Basri et l’installation du nouveau concept de l’autorité, ce département s’est normalisé. C’est cela la réalité et il faut saluer le travail effectué et non pas nier toutes ces avancées pour une controverse futile. De même, la réforme de la Justice, chantier extrêmement compliqué, avance sérieusement, de l’aveu de tous les acteurs. L’opinion publique continue à ne pas y croire. Le rôle des politiques c’est de renforcer la réforme, en acceptant des décisions de la justice, en refusant de les commenter au nom du principe de l’indépendance des juges. Si des responsables, eux-mêmes, dénoncent la sujétion des tribunaux à d’autres règles que celle du droit, comment voulez-vous que l’homme de la rue fasse confiance aux juges ? La construction démocratique a une finalité : l’adhésion de tous aux institutions. Une démocratie ce sont des citoyens acceptant les règles de vie commune, les institutions qui en découlent, les grands consensus nationaux et s’exprimant librement sur le reste. Le respect des institutions est une pierre angulaire parce que de lui, découlent le respect de la loi et de ses représentants, l’acceptabilité de l’impôt, si faible dans notre pays, la citoyenneté dans toutes ses expressions. Que des responsables politiques ne comprennent pas qu’ils sapent la construction démocratique chaque fois qu’ils s’attaquent à une institution est hallucinant. L’esprit de responsabilité doit l’emporter. L’approche des échéances électorales ne doit pas servir, une nouvelle fois, d’alibi pour multiplier les déclarations à l’emporte-pièce.