L’université livrée à la violence
Ahmed Charau00ef

Ce qui s’est passé à l’intérieur de la faculté de Meknès est insoutenable. Un groupuscule gauchisant a arrêté, ligoté une jeune fille, l’a présentée à un « tribunal populaire », l’a condamnée à être tondue, l’a tabassée au passage. Cela s’est passé devant plusieurs dizaines de prétendus étudiants et aucun n’a eu la dignité de s’interposer. Il y a quelques semaines à Fès, au nom de la morale, une jeune fille, accusée d’entretenir une liaison avec un membre de l’administration, a été traînée devant un « tribunal populaire », composé de 15 étudiants, qui l’a condamnée à quitter le soir même la cité universitaire et qui l’a menacée de l’empêcher de passer ses examens. Ce courant se dit d’extrême-gauche, proche d’Annahj et n’est en réalité qu’un ramassis de fascistes. Les luttes entre quatre courants, le gauchiste, l’islamiste, l’amazigh et le séparatiste, font annuellement des morts, dont deux cette année. Chaque intervention des forces de l’ordre, comme on l’a vu à Marrakech la semaine dernière, se transforme en batailles rangées, contre des nervis armés de sabre. Une minorité tient en otage l’université et ses dizaines de milliers d’étudiants et cela dure depuis des années. Le mouvement estudiantin, dans ses années de gloire, avait installé, arraché l’idée du sanctuaire universitaire. Cet espace était un espace de liberté, d’échanges intellectuels, politiques, parfois très vifs, mais dans les limites de l’Agora, de respect et de tolérance au niveau des libertés individuelles. Aujourd’hui, tous les démocrates, sans exception, réclament le rétablissement de l’ordre, de l’Etat de droit. Cela doit nous interpeller sur les reculs au sein de notre jeunesse des éventuelles élites de demain. Plusieurs questions se posent. La première est comment en est-on arrivé là ? Plusieurs responsabilités se dégagent. Les islamistes, pour prendre le cadavre de l’UNEM, ont introduit les milices, la violence, les « tribunaux populaires », avec des condamnations à mort et des exécutions, dès le début des années 90. Les gauchistes, les autres courants plus récents, leur ont emboité le pas. On ne débat plus, on combat milice contre milice. Mais au-delà, ce phénomène révèle des tendances anxiogènes. La violence au sein de la société est elle aussi beaucoup plus palpable. Le conservatisme militant, grand pourvoyeur de terroristes, a contaminé une partie de la jeunesse, y compris ceux qui défendent « la morale », tout en se revendiquant de l’extrême gauche. Enfin, l’échec est patent quant au rôle de l’école. Ces étudiants n’ont acquis ni l’esprit critique qui leur permettrait la distanciation avec les idéologies funestes, ni l’acception de la contradiction, et encore moins, la culture des droits de l’Homme. Si on ajoute que le niveau de leurs acquisitions académiques est d’une minorité affligeante, on peut regretter les milliards de dirhams engloutis dans le gouffre de l’éducation nationale. L’urgence c’est de rétablir l’Etat de droit dans ces enceintes. Il n’est pas normal que seuls deux individus soient arrêtés après les événements de Meknès. Ils étaient des dizaines à juger la jeune victime. Force doit rester à la loi. Les associations, souvent dirigées par des anciens de l’UNEM, doivent se rendre à l’évidence : il ne s’agit pas de liberté d’expression, mais de délits, de fascisme naissant, et il faut le combattre, au lieu de défendre une chimérique sanctuarisation. Mais il faudra se pencher sur la question de fond, à savoir quelle université voulons-nous ? Celle de la transmission des savoirs des lumières, de la mixité sociale ou celle des ténèbres de l’extrémisme, de la négation des libertés. C’est un choix politique majeur, qui ne peut s’exprimer que par une véritable réforme. Qu’un enseignant parte se faire tuer en Irak, que des étudiants fassent la police religieuse au sein de la cité universitaire imposant code vestimentaire et moeurs, cela porte un nom, c’est une dérive. Continuons à fermer les yeux et l’université nous offrira plus d’extrémistes que de cadres valables. Il faut réagir et tout de suite, pour éviter ce cauchemar.