Al Di Meola: « Je suis un fan de la musique Gnaoua »

Le guitariste virtuose italo-américain de jazz fusion a animé le mercredi 9 novembre 2016 deux concerts mémorables au Mégarama de Casablanca, en inauguration de la première édition de Casa Live Sessions, lancée par Jazzablanca. En tournée dans le monde entier pour présenter son dernier album Elysium, le « Guitar Hero » partage avec nous sa passion pour la musique marocaine.

Après son premier concert au Festival Jazzablanca en 2007 et deux prestations à Mawazine en 2008 et 2009, l’un des guitaristes les plus influents dans le monde du jazz est revenu au Maroc pour animer deux concerts à Casablanca. Connu pour sa technique hors du commun, ses compositions jazz-rock et ses influences latines et flamencas, le musicien de 62 ans qui a remporté 3 disques d’or et qui compte à son actif plus de 25 albums solo est sous les feux des projecteurs depuis 4 décennies. Pionnier d’un style fusionnant World Music et Jazz depuis 1974, qu’il a expérimenté au sein du groupe Return To Forever avec Chick Corea, le compositeur hors pair réputé pour ses reprises acoustiques des tubes des Beatles a continué à explorer par la suite, que ce soit en solo ou en groupe, la riche influence du Flamenco, du Tango, de la Musique Orientale, Brésilienne et Africaine. Sa collaboration avec de grands guitaristes tels que John McLaughlin, Paco de Lucía, mais aussi des monuments du jazz comme Stanley Clarke, Jaco Pastorius, font de lui une véritable légende vivante. Son dernier album Elysium qu’il vient présenter au Maroc dans le cadre de sa tournée mondiale, est un mélange parfait entre sons acoustiques et électriques. Un voyage sensoriel à travers le corps de son travail : avec ses propres classiques, les grandes chansons de Lennon & McCartney, le Tango de Piazzolla et ses nouvelles compositions. La section rythmique, inventive et en alerte, semble en parfaite osmose avec les autres musiciens. Une nouvelle pierre angulaire dans la discographie du maestro qui a subjugué le public casablancais par son morceau rythmé et ensoleillé « Mawazine », en référence à son dernier passage au Maroc.

Vous vous êtes produit plusieurs fois au Maroc, notamment à Mawazine (2008-09). Quel souvenir gardez-vous du public marocain ? Fantastique, j’adore le Maroc, j’ai joué seulement à Casa et Rabat et ça s’est toujours super bien passé. Le public marocain est très connaisseur, il connait mes morceaux et ma musique et donc, c’est génial.

Votre dernier album « Elysium » veut dire « paradis ». Vous aviez dit que c’était pour vous, l’endroit du parfait bonheur. Oui, quand j’ai commencé l’enregistrement, j’étais dans un état d’esprit complètement à l’opposé, je vivais des changements personnels dans ma vie, dans ma famille, je sortais d’un divorce… la musique était devenue pour moi une source d’inspiration qui émanait de la douleur alors pour inhiber cette douleur, j’essayais de composer et c’est ce qui m’a permis de me déconnecter de ce que j’endurais. Alors des idées différentes ont surgi de moi-même. Après mon divorce, j’étais misérable et pendant ma période d’écriture, j’ai rencontré quelqu’un qui a tout fait changer, du pire au meilleur, alors j’estimais qu’Alysium était le titre parfait pour cet album. En plus, j’adore le film Alysium de Neil Blomkump avec Matt Damon et Jodie Foster, qui parle d’une station spatiale dans le futur avec à son bord des cabines médicales permettant de guérir toutes les maladies existantes.

C’est un mélange entre l’acoustique et l’électrique ? Au départ, c’était supposé être que de l’acoustique, mais à la fin, je voulais y intégrer un peu de sons électriques.

Vous avez un morceau qui s’appelle Tangier, qu’est ce qui vous a inspiré dans cette ville ? Je ne sais pas vraiment mais j’ai dû être influencé par quelques sons provenant de là bas, Je suis un très grand fun de la musique marocaine, surtout Gnaoua.

Vous comptez faire un jour une fusion avec les Gnaouas ? Oui, bien sûr. Vous savez, dans cet album, j’ai collaboré avec Aldelghani Krija, le percussionniste marocain de Sting, qui m’a déjà accompagné lors de mes concerts, donc, ça m’a influencé en quelque sorte. J’ai beaucoup d’influences de la musique latine, mais la différence entre la musique marocaine et la musique latine est une évidence pour moi. Car en voyant la manière de jouer de Krija, ses rythmes qui matchaient parfaitement avec la plupart de ce que j’écrivais,… je me suis rendu compte que j’avais une affinité avec la musique marocaine.

Dans vos concerts, vous rendez hommage au grand Astor Piazzolla. D’où vous vient votre passion pour le Tango ? En fait, j’ai toujours eu une affinité pour lui, il était comme un de mes oncles, un membre de ma famille, il y a quelque chose de chaleureux chez cet homme, mais je connaissais pas beaucoup cette musique, alors il m’en a envoyé quelques unes qu’il avait composées et ça m’a tellement emporté que j’ai eu l’envie d’en écouter de plus en plus. Le Tango est très profond car il inclut à la fois les sentiments et les émotions, c’était un véritable challenge pour moi.

Vous avez souvent collaboré avec Paco De Lucia. Paco était très instrumental. Le fait de jouer avec quelqu’un venant d’une sphère différente était un défi pour moi parce que je devais explorer un nouveau monde. La précision de sa technique et son phrasé m’ont beaucoup influencé. D’ailleurs, pour lui aussi, c’était un challenge de jouer avec moi et je trouve que c’était très courageux de sa part de sortir un peu du Flamenco. Notre fusion était magique, on avait les mêmes arrangements techniques, on pouvait converser de philosophie à un très élevé.

En 1980, vous avez fait une tournée avec Carlos Santana. Quel souvenir gardez-vous de cette expérience ? Vous savez, j’ai grandi en écoutant sa musique, j’allais à ses concerts, c’était juste génial de faire partie du spectacle, à la fin, mon groupe et celui de Santana jouaient ensemble. C’était super de jouer devant 10 000 personnes complètement déchaînés !

Donald Trump vient d’être élu président des USA. Vous en pensez quoi ? Je crois que le monde entier est choqué. C’est comme un mauvais rêve, on a du mal à y croire ! Tout le monde donnait Hilary Clinton pour gagnante, c’est vraiment incroyable ce qui s’est passé. On a vu beaucoup de gens fous, effrayés et beaucoup de pleurs, parce qu’on n’a jamais vu un truc pareil…ces présidentielles ont été déplorables, mais bon, sa technique a marché, il a séduit beaucoup de personnes parce qu’il leur a parlé des problèmes qui les touchaient directement. Vous savez, les deux étaient déplorables dans un sens, il n’y a rien de quoi en être fier, tout ce qu’on espère maintenant, c’est qu’il fasse les choses bien, même le camp Clinton espère qu’ils vont travailler ensemble, pour le bien de ce pays et des gens.