Un quinquennat pour rien ?
Jamal Berraoui

François Hollande a renoncé à se représenter. Il a été poussé à cette décision par deux de ses lieutenants, Manuel Valls et Emmanuel Macron, au vu de son impopularité record, l’opposition de la majorité des élus de gauche et l’impact négatif du livre sur ses confidences aux journalistes.

Mais la raison objective majeure c’est qu’il a créé une situation politique intenable. Selon toute vraisemblance, il y aura 6 candidats à gauche, dont aucun n’a la moindre chance d’être au second tour de ses renoncements.

Au Bourget, il déclare « mon ennemi, c’est la finance », après, il fait un cadeau fiscal énorme au patronat, détricote les lois protectrices des travailleurs, sans réussir ni à diminuer le chômage, ni à relancer la croissance. Mais c’est surtout sa proposition sur la déchéance de la nationalité qui a fracturé durablement la gauche.

Ces renoncements sont l’aboutissement logique de la défaite idéologique de la gauche de gouvernement qui s’est aplatie devant les marchés. Partout, en Europe, elle a désespéré les couches populaires au profit de la droite extrême qui se présente comme protectrice. La gauche européenne est aussi victime de la défiance vis-à-vis de Bruxelles. Cela participe de la même séquence. Celle de la révolte des oubliés de la mondialisation.

Ce quinquennat, de ce point de vue, n’est pas totalement inutile. Il fait éclater le conglomérat, appelé la gauche, qui réunissait Emmanuel Macron et le parti communiste, voire même Mélenchon. Le fait que les deux soient candidats hors-primaires démontre à quel point le retour de l’idéologie est inéluctable.

Tous ceux qui parlent de synthèse sont dans le faux. Il y a deux gauches irréconciliables. Celle dont l’apport se limiterait à des réformes sociétales, tel que le mariage gay, tout en acceptant les dogmes libéraux sur les règles budgétaires, la flexibilité ou encore la magnificence de l’approche sécuritaire. Il y a une autre gauche qui remet en cause le système, veut un état régulateur, protecteur, interventionniste. Cette gauche-là, n’est pour le moment que braillarde, parce que l’extrême droite a siphonné une grande partie de l’électorat populaire.

Hollande, sans le vouloir, en dynamitant sa propre majorité a ouvert la voie a une clarification qui s’approfondira après les élections. La finale entre une droite dure, Fillon, et une extrême droite au programme dangereux, va ouvrir la voie au reclassement. D’abord il n’est pas du tout sûr que les élections de la gauche de la gauche se déplacent pour voter Fillon. La classe sociale proposée par celui-ci est un repoussoir plus puissant que la peur de voir Marine Le Pen accéder à l’Elysée.

Ensuite, la gauche dite gouvernementale sera laminée et rejoindra le ventre mou de la société, le fameux centre qui n’a aucune représentation politique pour le moment.

Le quinquennat de Hollande ferme une séquence entamée par le programme commun de 1974, puis perpétué par la gauche plurielle de Jospin. Le mythe de la cohabitation entre les sociaux-libéraux et les anticapitalistes atteint le clap de fin. Les ravages de la crise, les déclassements produits par la mondialisation ont fini par disloquer une union électoraliste, qui cachait mal les divergences. C’est une consé- quence plus lourde que l’humiliation subie par un homme.

Le titre est emprunté au dernier livre d’Eric Zemmour, le polémiste d’extrême droite français