Le fondamental et l’écume
Ahmed CHARAI

Le Haut-Commissariat au Plan est une institution officielle qui, bien que jouissant d’une certaine autonomie, est un instrument de l’Etat. Cette institution vient de publier une série de chiffres inquiétants sur la santé économique du pays. Tout d’abord, le HCP annonce qu’après dix ans de recul, le chômage regagne du terrain et que l’industrie a perdu 10.000 emplois en une année. L’inflation a dépassé la barre des 2% en un an. En France, l’annonce par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) que la croissance a été nulle en 2012 a immédiatement infléchi la politique gouvernementale. Jean-Marc Ayrault annonçant que le maintien du déficit à 3% n’était plus possible. De la même manière, le rapport de la cour des comptes préconisant la fiscalisation des prestations sociales est pris en compte par le gouvernement de gauche. Aux USA, Barack Obama a défini les objectifs de son mandat face aux congrès, pourtant tenu par les républicains. Et parce qu’ils sont rationnels, ces objectifs ont été adoubés. Au Maroc, les chiffres du HCP sont souvent décrédibilisés, toujours ignorés. Certains ont même osé mettre la publication des chiffres sur le compte des crocodiles. Les politiques préfèrent continuer l’interminable et insipide spectacle qu’ils nous offrent depuis un an. Les Partis politiques sont toujours dans leur bulle, celle de la théorie du complot des forces obscures. D’autres réclament un remaniement ministériel comme s’il s’agissait d’un sésame aux pouvoirs infinis. Jouant les sages, une troisième frange affirme tenter l’intermédiation, mais sans dénoncer la vacuité du discours actuel. Pourtant, l’économie c’est ce qu’il y a de plus concret et c’est ce qui conditionne, en définitive, l’adhésion des citoyens à tout projet politique. Le débat sur les questions économiques, s’appuyant sur des chiffres indiscutables comme le sont ceux du HCP, permettent à toutes les sensibilités de s’exprimer, d’exprimer leurs divergences, en termes de propositions concrètes. C’est cela la vraie politique et c’est ce qui permet la diffusion de la connaissance des réalités économiques au sein de la société. Cette connaissance est fondamentale en démocratie parce qu’elle permet, à l’heure des choix, d’éliminer les projets fantaisistes. Il faut une grande dose de mauvaise foi pour imputer la crise à la seule majorité actuelle. Mais cette crise, elle est ressentie par les opérateurs et les chiffres du HCP en sont les éléments annonciateurs. Les déficits des comptes de l’Etat, la contraction de l’activité qui aura son impact sur les ressources fiscales, le maintien des cours élevés pour les matières premières et les hydrocarbures, et donc pour la caisse de compensation, sont de vrais sujets politiques. Ils devraient être débattus pour pouvoir évaluer la cohérence des politiques publiques proposées par les uns et par les autres. La peur c’est que l’on suive de mauvais exemples. Bénéficiant d’une rente gazière, l’un de nos voisins a annoncé officiellement un taux d’inflation dépassant les 7%, sans que cela suscite le moindre débat. La raison et le sens du devoir voudraient que les débats soient centrés sur les moyens de sortir de la crise, c'est-à-dire le fondamental. L’écume n’amuse même plus la galerie. 2 этажный каркасный дом