Hafid Stitou « Le cinéma est d’abord une émotion »

L’acteur et réalisateur marocain qui vient de signer son nouveau court-métrage sombre « Seth » nous parle de sa passion pour le 7e art et son expérience de metteur en scène.

Autodidacte et homme de tous les défis, Hafid Stitou, acteur et réalisateur marocain résident en Belgique est rattrapé par sa passion pour le cinéma il y a environ six ans. Il se retrouve derrière les caméras presque par hasard et se prend au jeu. Le cinéma deviendra par la suite une sorte de thérapie pour lui, une façon de vivre et de s’exprimer.

Il enchaîne alors les rôles dans des registres variés. Aujourd’hui, il vient de terminer 3 longs métrages dont 2 au Canada (une comédie dramatique et un polar) ainsi qu’un film d’auteur au Maroc. Dans son dernier polar « Seth » qu’il produit, il incarne le rôle d’un justicier de l’ombre qui traque les brutes et ose parler d’un sujet fâcheux qu’est le trafic d’organes. Avec un casting de rêve composé de David Hallyday, Ophélie Winter et Christian Audigier, le court-métrage sera bientôt projeté au festival de Tanger qui aura lieu du 3 au 11 mars 2017.

Vous venez de réaliser un court métrage « Seth », un polar sombre où vous campez le rôle d’un justicier de l’ombre. Pourquoi un thème sur le trafic d’organes ? Parce que c’est un sujet tabou, cela excite au plus haut niveau international et les médias n’en parlent presque pas. Pourquoi ? En fait, ce sujet me tenait à cœur, je voulais me rendre utile pour les enfants et j’avais envie de raconter, de dénoncer à travers un film assez noir, un polar… Je voulais pousser un coup de gueule avec la puissante arme qu’est le cinéma. Aujourd’hui, nous avons les moyens techniques et visuels de faire prendre conscience au monde de ce fléau qu’est la pédophilie et le trafic d’organes.

Vous êtes acteur. Pourquoi avoir choisi de passer derrière la caméra ? Pour m’exprimer à travers l’histoire et les acteurs et soigner mes frustrations.

Comment avez-vous vécu cette expérience de réalisateur ? Avec beaucoup de frustrations car c’est un métier extrêmement compliqué, mais la passion prend le dessus et ça devient viscéral !

Quels étaient les défis à relever en tant que réalisateur ? La confiance des acteurs et des techniciens, le challenge aussi. J’aime la difficulté car par elle, nous arrivons à surmonter les obstacles sans frustrations et aussi accomplir nos devoirs à travers une œuvre accomplie.

Comment dirigez-vous vos acteurs ? Sans menottes mais je sais ce que je veux.

Vous utilisez peu de dialogue dans Seth. Cherchez-vous à capter plus l’émotion ? Comment y parvenez-vous ? En me nourrissant de vieux films muets. Le cinéma est d’abord une émotion avant un son, nous pouvons voir un film muet et le comprendre, nous pouvons aussi voir un film avec des dialogues sans le comprendre !

On vous voit également dans le nouveau court-métrage de Moussa Sah « Invazion ». Parlez-nous un peu de ce rôle ? Qu’est ce qui vous a séduit dans ce personnage ? La vision modeste et humble de ce réalisateur sur une musique classique de la 7e symphonie de Dimitri Shostakovitch- Leningrad. C’était une véritable aubaine pour moi car il n’y avait aucun dialogue, juste de l’expression corporelle !

A quand remonte votre passion pour le cinéma ? Absolument par hasard, j’avais remplacé un comédien malade, à cette époque, j’avais besoin d’un psy et je pense l’avoir trouvé maintenant. Et on plus, on me paie pour faire ma thérapie !

Que signifie pour vous le fait d’être acteur ? Qu’est ce que cela vous apporte personnellement ? L’équilibre professionnel, se sentir utile artistiquement, partager des émotions, l’adrénaline de l’action dont j’ai besoin, me sentir boosté par le challenge. Cela me donne de l’énergie, je m’explore intérieurement, et c’est top de se découvrir.

Comment choisissez-vous vos rôles ? J’ai la chance de gagner ma vie autrement que dans le cinéma. Donc, pour moi, le cinéma est un luxe que je peux m’offrir en choisissant mes rôles. J’ai aussi souvent refusé des rôles qui dégradent l’image de mon pays ainsi que ma religion.

Comment préparez-vous vos rôles ? Je discute beaucoup avec les réalisateurs pour cerner la profondeur du personnage, pour ce qui est de la technique, je ne suis que l’outil du réalisateur.

Vous préférez les rôles de méchants ou de gentils et pourquoi ? Quand j’incarne un rôle, j’essaie de me fondre dans le personnage. Ceci étant, j’ai une petite préférence pour les rôles de méchants car je suis tout le contraire dans la vie, donc, cela m’amuse.

Vous préférez jouer la comédie, réaliser ou produire et Pourquoi ? J’aime être derrière la caméra mais je pense que ma place est plus devant. Je suis devenu producteur malgré moi, un peu par obligation.

Quelle est la chose la plus difficile dans ce métier ? Absolument tout. Chaque chose doit être à sa place, tout doit être extrêmement bien préparé, de l’écriture au cut final.

Quel est le film dont vous êtes le plus fier et pourquoi ? Mon 1er court métrage « Trash », produit et réalisé par mes enfants Jaade et Mehdi. Mehdi avait à l’époque 14 ans et Jaade 12 ans. Se faire diriger par ses enfants est absolument extraordinaire car leur vision est complètement insouciante et innocente.

Les acteurs avec lesquels vous aimeriez tourner ? Il y en a tellement mais si je devais choisir, je pense que j’aimerais tourner avec ma fille Jaade car je me retrouve en elle. Cette fusion entre père et fille ou fils, c’est extraordinaire à jouer et extrêmement compliqué aussi.

Vous êtes sensible à quel genre de films ? J’aime les films noirs comme les films comiques. Chacun m’apporte des émotions différentes avec lesquels je m’inspire.

Vous êtes plus connu à l’étranger qu’au Maroc. Pour quelle raison selon vous ? Vous savez, je fais juste mon job, nous devons juste être des réflecteurs quand la lumière est sur nous, vous devez par la suite la rediriger vers ceux qui sont dans l’ombre.

Comment voyez-vous le cinéma marocain aujourd’hui ? Une catastrophe ! Nous faisons du cinéma non pour l’amour de l’art mais pour l’appât du gain.

Que faut-il pour l’améliorer ? Mettre un coup de pied dans la fourmilière actuelle, aider les jeunes réalisateurs, les scénaristes, les écouter, construire des infrastructures appropriées, valoriser leur travail, les encourager, …faire venir des comédiens et des réalisateurs de l’étranger pour des masters classes, donner l’envie de faire un cinéma de qualité.

Vos projets ? Je prépare un autre court-métrage « Kronos » dont je viens de finir l’écriture. Le tournage se fera entièrement à l’intérieur d’une voiture, c’est très technique sur le plan réalisation et jeux d’acteurs.