Mali une guerre qui va durer

Il ne faut pas pavoiser trop vite. C’est le constat que font les spécialistes du terrorisme concernant l’intervention française au Mali. Ceux-ci font remarquer que les Jihadistes ont préservé l’essentiel de leurs forces en refusant la bataille des villes et des grandes agglomérations et en se repliant dans l’arrière pays au relief propice à une guérilla. Ils avancent surtout l’idée que ces Jihadistes ont établi des liens avec des populations, en froid avec ce qui reste de l’Etat malien, et que ces sympathies demeurent. On peut même penser que les exactions commises par les libérateurs les renforcent.

Paris propose un schéma où la force interafricaine prendra le relais pour éradiquer les Jihadistes ou, tout au moins, défendre l’intégrité du Mali. Les armées en question n’ont pas les moyens d’une telle guerre, qui s’inscrit dans la durée. On a vu en Somalie, où une telle force est présente depuis plus d’une décennie, à la fois son inefficacité et les difficultés d’un commandement commun. Même si elle retire ses hommes au sol, la France restera impliquée dans la gestion de cette guerre.

Les Américains, forts de leur expérience, ont émis discrètement des réserves dès le départ. Joe Biden, le Vice-président, a transmis à François Hollande ce message. Il fallait d’abord que Paris mette son intervention sous la barrière de l’ONU, ce qui a été fait à posteriori. Mais c’est surtout la pertinence d’une approche uniquement militaire que Washington conteste.

La France est intervenue pour des raisons sécuritaires, c’est évident, mais aussi pour défendre ses intérêts dans la région, en particulier l’uranium du Niger, monopolisé par Areva et donc indispensable au nucléaire français. Mais Paris ne peut effacer ses événements passés. L’ancienne ambassadrice américaine Vicki J. Huddleston au Mali, qui a aussi été numéro deux au département de la défense aux Etats-Unis, a publiquement dévoilé que la France a versé des rançons à l’AQMI pour libérer des otages français. C’est donc un message pour rappeler que les terroristes ont été financés par les Etats qui ont cédé au chantage.

Sur toutes ces questions, l’unanimisme de la classe politique française risque de s’effilocher au fur et à mesure que cette guerre s’installe dans la durée, ce qui semble être son destin. D’autant plus, que l’armée française ne laisse pas les journalistes libres de leur mouvement, au point qu’il n’y a aucune image sur cette guerre, en dehors de celles de civils arborant le drapeau tricolore. La presse française avait sèchement critiqué ce traitement en Afghanistan. Résultat, les citoyens français ne sont pas très concernés par une guerre menée en leur nom. Ce n’est pas le moindre des problèmes des socialistes français qui ne peuvent se permettre une guerre impopulaire.

Encadré

Passivité algérienne

Le cas de l’Algérie interpelle les observateurs. Alger a autorisé le survol de son territoire par l’aviation française, mais c’est bien le seul signe de soutien à cette guerre. Depuis que les jihadistes se sont installés au Sahel, et alors qu’ils étaient peu nombreux, plusieurs réunions ont eu lieu, y compris à Alger. L’option militaire était clairement posée, puisque ces réunions concernaient les états major. Mais c’est Alger qui refroidissait les ardeurs, laissant la situation empirer. Pourtant, l’attaque du site gazier pose de vraies questions, non seulement sur son issue, mais sur la porosité des frontières. Ce site est en principe hyper gardé et l’armée algérienne est en alerte maximum, comment les terroristes ont pu

passer à travers tous les filets ? L’Algérie devrait être à la tête de la guerre au Sahel. L’AQMI est issues du GSPC, ses dirigeants sont en majorité algériens et vouent une haine féroce à l’Etat algérien et à ses dirigeants. Le terrorisme au Sahel menace directement l’Algérie, en premier lieu.

Au lieu de cette attitude ferme, les observateurs notent que l’Algérie a freiné des sabots, montrant même un certain agacement face à l’intervention française, pourtant vitale pour éviter l’affaissement du Mali. Ce qui surprend le plus, c’est que malgré la publication des rapports accablants par des institutions indépendantes sur les rapports entre le Polisario et la nébuleuse Jihadiste, Alger ne réagit pas. Dans les camps de Tindouf, les liens établis sont clairement identifiés. Le trafic transfrontalier a fini par servir la cause jihadiste, qui trouve le désespoir des refugiés sahraouis matière à renforcer les recrutements. Toutes ces questions angoissent les observateurs. La partie qui se joue au Mali est importante pour la sécurité de la région et de l’Europe. Il est incompréhensible que le pays le plus directement concerné n’y mette pas toutes ces forces.

Paru dans le numéro 204 de L’Observateur du Maroc продвижение сайта