Que reste-t-il du 20 février ?

Le mouvement lancé par des jeunes il y a deux ans s’apprêtait à fêter son anniversaire à l’heure où nous mettions sous presse. Né dans le contexte brûlant des révolutions arabes qui touchaient à l’époque la Tunisie, la Lybie et l’Egypte, qu’en est-il aujourd’hui de ce mouvement ?

Par Ahmed Charaï

Le lancement du mouvement du 20 février avait été suivi par tous les observateurs. Si certains, dans leur cécité politique, avaient pronostiqué qu’« au Maroc cela sera sanglant », les jeunes avaient fixé une limite à leurs revendications, celles de l’atteinte à la légitimité monarchique. Les Adlistes ont bien tenté d’imposer leurs vues, en particulier l’abandon de toutes limites, avant de se retirer, en voyant le nombre de manifestants fondre après le referendum sur la constitution.

La réponse politique n’avait pas tardé, le souverain annonçant une nouvelle constitution dans son discours du 9 mars, ce qui avait définitivement désamorcé les tensions et permis de canaliser le débat sur les institutions et la monarchie parlementaire. Ensuite, le mouvement a perdu de son attractivité. Il n’a pu organiser que sporadiquement des manifestants clairsemés dont les troupes sont essentiellement composées de jeunes chômeurs et des familles des détenus salafistes.

Certains se sont empressés de déclarer sa mort. C’est d’abord oublier que ce mouvement, dans le contexte régional qui prévalait à sa naissance, a permis de dégeler la situation politique et d’accélérer la construction démocratique.

Il est un fait que les acquis préalables, l’apaisement de la lutte politique, la tenue d’élections libres et sincères et la catharsis de l’IER avaient ouvert la voie à ce que l’on peut désigner par l’exception marocaine. Il est tout aussi vrai que suite à la faible mobilisation des électeurs en 2007 et en 2009, l’USFP, alors que ce parti participait au gouvernement, a appelé à une réforme politique avec comme objectif la monarchie parlementaire.

Ces vérités n’empêchent pas que le mouvement du 20 février, l’attitude responsable de ses meneurs et celle, très politique du palais, ont agi comme un accélérateur de l’histoire, sans mettre en équation la stabilité du pays. Si aujourd’hui certains de ses cadres ont rejoint des partis politiques, d’autres préfèrent s’investir dans l’associatif. Tous gardent une fraîcheur frondeuse qui fait énormément de bien aux structures d’accueil. Restera le sigle et il n’est pas vide de sens. Dans la mémoire collective, il signifie la possibilité d’une action organisée à peu de frais, permettant une réelle influence. Pour le moment, la fenêtre d’action est étroite et se limite aux revendications sociales. Mais si des questions sociétales s’imposent, comme la défense des libertés individuelles par exemple, le sigle sera réutilisé, parce qu’il s’agit d’une propriété collective. Le mouvement n’a ni chefs au sens traditionnel du terme, ni instances élues. Cela a fait sa faiblesse à une époque, mais c’est ce qui peut le ressusciter à tout moment, comme une sorte de conscience de la nation, refuge d’expressions sociales sans porte-parole. Tant que cela s’inscrit dans le projet national, il ne faut pas en avoir peur.

Paru dans L’Observateur du Maroc n°205 продвижение сайтов