Maladies des « pauvres » : Le Maroc à la traîne

La transition épidémiologique en cours au Maroc fait face à une persistance de maladies transmissibles dites « maladies des pauvres ». Focus.

Par Salaheddine Lemaizi

Ancienne médina de Casablanca, à quelques mètres de la Mosquée Hassan II, un nouveau bidonville se développe. Des abris de fortune logent les familles dont les maisons menacent ruine. Les conditions de vie sont difficiles. La promiscuité et le manque d’hygiène ont facilité la vie au virus de la tuberculose. «Plusieurs membres de nos familles ont été touchés », témoignent des habitants. Le froid qui sévit cet hiver rend cette communauté vulnérable à cette maladie pulmonaire. Laquelle semble faire de la résistance aux efforts du ministère de la Santé (MS) comme d’autres maladies transmissibles dont la méningite ou la leishmaniose.

Le Maroc en queue de peloton

La tuberculose est une maladie opportuniste. 35% de la population en portent le germe, qui profite de la faiblesse de l’organisme pour se manifester. Chaque année, le Maroc compte 27.000 tuberculeux. Officiellement, ce mal constitue un problème de santé publique. Surtout que le dernier semestre 2012 a été marqué par une réémergence de la tuberculose, selon le

Dr Mohamed Saïd Lambarki, membre du bureau exécutif du Réseau marocain pour la défense du droit à la santé (RMDDS). Ce professionnel de la santé tire la sonnette d’alarme : « Les chiffres pour le début de cette année sont peu rassurants. Il faut avoir le courage de dire qu’il y a une nette augmentation de cette maladie ». La courbe des chiffres enregistrés confirme une tendance lourde constatée par l’Organisation mondiale de la Santé dans son dernier rapport sur la lutte contre la tuberculose dans le monde. Après la période s’étalant de 2003 à 2007 durant laquelle cette maladie a connu un léger recul, le nombre de personnes atteintes de tuberculose est en train de retrouver son niveau d’avant 2004, soit une fréquence de 103 cas/ pour 100.000 personnes. Cette incidence est très élevée, surtout quand on compare la situation au Maroc à celle qui prévaut chez ses voisins. L’Algérie est à 90 cas, la Tunisie à 30, la Lybie à 40 et l’Egypte à 17. Comment expliquez alors ce retard ?

Dr Abderrahman Ben Mamoun est le chef de la Division des maladies transmissibles à la direction de l'Épidémiologie et de lutte contre les maladies (DELM) au sein du département de la Santé. Ce spécialiste des maladies transmissibles est très sollicité ces derniers jours. Malgré la multiplication de cas de méningite, de grippe saisonnière AHN1 et de tuberculose, il se montre serein. « La tuberculose n’est pas une maladie qui court les rues. Elle est concentrée dans les périphéries des grandes agglomérations comme à Casablanca, Fès ou même Salé », tempère ce spécialiste. Pour lui, l’évolution de ces maladies reste liée aux conditions socioéconomiques des populations. « Pour comprendre la dynamique de ce genre de maladies, il ne faut pas se contenter des facteurs purement sanitaires puisque la santé est soumise à d’autres déterminants. Il faut savoir que l’habitat insalubre, la promiscuité et la pauvreté répandent la tuberculose », signale Dr Ben Mamoun. Même son de cloche du côté de Dr. Lambarki du RMDDS : « L’absence de conditions de vie décente avec une alimentation équilibrée et saine, une hygiène de vie adéquate et un pouvoir d’achat correct fait le lit de la tuberculose et toutes les autres maladies transmissibles ». Face à la persistance de toutes ces maladies, y a-t-il péril en la demeure ?

Le début de la fin ?

Dr. Ben Mamoun du ministère de la Santé balaie du revers de la main toute hypothèse de retour des maladies transmissibles. « On assiste à un recul des maladies transmissibles et la progression franche des maladies non transmissibles comme le diabète, le cancer, les maladies cardiovasculaires », avance-t-il. Cette nouvelle phase épidémiologique est marquée par l’éradication du paludisme, diphtérie, typhoïde, etc. Le chef de la Division des maladies transmissibles se veut rassurant : « La situation est tout à fait normale. On n’est pas dans une logique d’épidémie ni pour la méningite ni pour la leishmaniose ». Dr. Lambraki n’est pas de cet avis : « Quand on parle de retour de ces maladies, ceci veut dire qu’il y a eu éradication, ce qui n’est pas le cas au Maroc. Ces maladies n’ont pu être éradiquées complètement. Il y a au contraire une réémergence avec une fréquence inhabituelle ».

Les chiffres officiels concernant la méningite montrent une légère baisse. En 2011, 1.058 cas ont été enregistrés et 126 ont perdu la vie suite à cette maladie. L’année passée, le nombre de malades a atteint 1.006 avec 111 morts suite à une méningite. La fin de l’année 2012 a été marquée par une alerte suite à l’enregistrement de plusieurs cas dans une crèche au quartier Moulay Rachid. D’ailleurs, une stratégie nationale de lutte contre les inflammations des méninges a été lancée en janvier dernier. La lèpre est également en recul. Le Maroc enregistre environ 40 cas par an, tous pris en charge par les centres hospitaliers du ministère.

Pour venir à bout définitivement de ces maladies dites du 20e siècle, Dr Lambarki du Réseau marocain pour la défense du droit à la santé recommande de réhabiliter et de renforcer les actions préventives au niveau des centres de santé de proximité. Encore faut-il que ces infrastructures existent, notamment dans les zones éloignées…

Paru dans L’Observateur du Maroc n°205 продвижение и оптимизация сайта