Parfums. Halte à la contrefaçon !

Pour sentir la rose à moindre coût, plusieurs consommateurs marocains profitent du marché juteux de la contrefaçon sans penser aux risques sanitaire. Enquête.

Par Noura Mounib

Par la force des choses, le parfum est, depuis longtemps, un produit de large consommation. Si les femmes ne se séparent que rarement de parfums en tout genre, les hommes ne sont pas en reste et ne s’en privent désormais plus. Bien que les prix soient inaccessibles pour la plupart, les adeptes de parfums ne lésinent pas sur les moyens pour sentir bon à longueur de journée. Sauf qu’aujourd’hui, la donne a changé. La contrefaçon de parfums, comme dans plusieurs autres secteurs, a ravagé le marché et a réussi à attirer les plus réticents à l’idée d’utiliser de faux parfums. Un parfum dit de «contrefaçon» est un parfum qui va reprendre les codes esthétiques du conditionnement du parfum d’origine et qui va essayer d’imiter son odeur. Un parfum de contrefaçon peut même citer la marque du parfum de base.

Le grand succès

Au milieu de Boulevard Pasteur, dans le centre de la nouvelle partie de Tanger, se trouve le plus célèbre parfumeur de la ville : Madini. Appartenant à la famille Madini depuis quatorze générations, ce magasin propose toutes sortes de parfums et d’essence, fabriqués de manière traditionnelle. Après quelques années d’existence, ce concept a su gagner en notoriété suite au succès de ses produits auprès de la clientèle et ses magasins sont même cités dans les guides touristiques à l’étranger. Cet imitateur de parfums de grandes marques est capable de reproduire n’importe quel parfum et le vendre à un prix imbattable : 50 dirhams ! Au début de l’année 2013, Madini élargit son réseau et ouvre son premier magasin à Rabat. Le succès ne se fait pas attendre. «Je faisais chaque six mois Rabat Tanger pour aller chez Madini. Après qu’il ait ouvert à Rabat, je n’en ai plus besoin. Ses produits sont impeccables ! Au lieu d’acheter un seul parfum au prix cher, je préfère m’en offrir une dizaine et en profiter selon l’occasion» explique Hanane. Cette jeune cadre qu’on a trouvée au nouveau magasin de la capitale est une habituée de la marque Channel. Chez le parfumeur, elle en a l’embarras du choix. Pour Youssef, employé chez Madini, les parfums réalisés sont parfaitement réussis. «Il s’agit de senteur et non pas de marque. Mais le résultat est juste excellent. Il n’y a qu’à voir ces hordes de clients qui s’offrent des flacons pour en juger» affirme fièrement le jeune homme.

Dans la même lignée des magasins de contrefaçons, «l’artisan parfumeur» est également connu pour ses parfums imités. Contrairement à Madini, les magasins de cette marque existent dans plusieurs villes du Maroc et attirent également les adeptes des faux parfums. Pour un flacon à 49 dirhams seulement, les clients se ruent pour se procurer leurs marques préférées imitées sans penser aux conséquences. «Les parfums sont faits sur place. Ça peut même se faire en présence du client» explique Sanaa, employée dans l’un des magasins de l’Artisan Parfumeur à Casablanca. Si les vrais parfums durent plus longtemps, l’odeur et la durée de ces parfums contrefaits semblent loin de faire l’unanimité. «Je voudrais bien un parfum de qualité et de marque, mais je n'ai pas les moyens. Donc, je me rabats sur le contrefait même si l’effet n’est pas le même. Je suis obligée de me parfumer à longueur de journée pour sentir bon» témoigne Btissam, une habituée des parfums contrefaits. Pour la jeune femme, les parfums forts sont par contre durs à reproduire. «C’est pour cela que je n’achète que les parfums légers et ça me réussit plutôt bien» ajoute-t-elle. Malheureusement, aucun ne se pose la question sur les composantes de ces parfums et autres produits cosmétiques contrefaits qui inondent le marché local. Le constat est encore pire si l’on se réfère aux déclarations des médecins dermatologues qui sont unanimes quant aux risques d’allergie que représentent ces produits au contact de la peau.

Allergies, cancers et autres

Pour Farida Bennouna, dermatologue, la composition des parfums est très complexe et associe d'innombrables substances. «Dès que le nombre des composants augmente le risque d'effets indésirables se multiplie. Sans parler de parfums de contre façon qui peuvent exposer au risque de réactions locales d'intolérance comme l'érythème ou rougeur sur la zone d'application, le prurit, l'eczema de contact, les réactions de photosensibilité ou les pigmentations. Plus préoccupants sont les risques à long terme (toxicité, risques de cancer…) comme ce qui a été observé dans le domaine du médicament ces dernières années» explique le médecin. Effectivement, les composants chimiques (solutions, alcools..) utilisés dans les contrefaçons de parfum ne font pas l’objet de tests dermatologiques. Leur composition est susceptible alors d’être dangereuse et toxique pour la peau. Des allergies parfois très graves ont déjà été constatées. «Ce risque existe également avec les parfums de marque mais à un degré moindre vu le nombre de tests de contrôle auxquels ils sont soumis» souligne F. Bennouna. Le magazine Harper’s Bazaar a même fait une découverte surprenante. C’est que bon nombre des parfums contrefaits contiennent des ingrédients extrêmement dangereux pour la santé. Après enquête, le magazine a révélé d'inquiétantes découvertes dans ces parfums : de l'urine pour la couleur, des bactéries dangereuses et même de l'antigel. Ces «ingrédients» peuvent non seulement irriter la peau, mais aussi attaquer l’état de santé général, vu que le parfum pénètre aisément dans l'organisme via la peau. Rien que ça ! De son côté, Farida Bennouna précise que la loi réglementant la sécurité des consommateurs devrait être encore plus vigilante concernant les secrets de fabrication. «Elle pourrait peut être même penser à autoriser des génériques de parfums comme pour le médicament car il faut l'avouer le prix des parfums de marque est devenu trop inaccessible» relativise le médecin.

Paru dans L’Observateur du Maroc n°206 mode grande taille