Décalages
Ahmed CHARAI

Les dirigeants politiques continuent sur la même ligne, celle des polémiques vaines parce que n’ayant aucun intérêt pour les populations. Abdelilah Benkirane a pu le constater à son corps défendant à Casablanca où les chômeurs ont conspué son discours sur les résistances à la réforme. C’est d’autant plus problématique que l’économie va très mal. Bank Al Maghrib tire la sonnette d’alarme régulièrement. Le déficit budgétaire a atteint son niveau le plus haut depuis vingt ans. Les exportations, hors OCP, sont en chute libre.

Les réserves de change ne couvrent même pas un trimestre d’importation. Le besoin en liquidité des banques et la sinistralité en hausse induisent de réelles difficultés d’accès au crédit pour les PME. Le moral des entrepreneurs est au plus bas, l’ambiance est anxiogène. Ce que les gens attendent des politiques, c’est un vrai débat sur les questions économiques, sur la situation de crise qui s’approfondit et les stratégies publiques permettant de l’enrayer, car l’angoisse est généralisée.

Le chômage augmente parce que des milliers d’emplois sont détruits, essentiellement dans l’industrie. La phobie de la hausse des prix est dans tous les esprits, après les augmentations de janvier dernier. Il n’y a pas de solution miracle. Mais il faut d’abord rassurer en communiquant, en expliquant, en démontrant qu’on a un cap, une vision, et une batterie de mesures pour y arriver. Après avoir nié la crise, l’exécutif se contente de constater son existence. Or, les risques sont graves, le pire des scénarios envisageables et donc possible. C’est une situation comparable à celle des années 80, avec les conséquences dramatiques que l’on connait : des coupes budgétaires, la dégradation des services publics et une restructuration douloureuse.

Pour éviter ce cataclysme, il faut une politique soutenant la croissance qui a l’adhésion des partenaires sociaux. La CGEM et les syndicats plaident en faveur d’un pacte national. La chose publique, la politique au sens noble, c’est d’abord la gestion des affaires publiques en bon père de famille. Il est normal qu’opposition et majorité s’affrontent en démocratie. Encore faut-il que cet affrontement concerne les projets et les programmes. Malheureusement, nous assistons à un feuilleton d’accusations, parfois d’injures, très éloigné des préoccupations réelles des populations qui sont d’ordre matériel et dépendent de l’état de l’économie. C’est politiquement très nocif.

La majorité menée par le PJD est issue des urnes, dans un contexte très particulier, à la fois sur le plan national et régional. Elle a le devoir de consolider la crédibilité des institutions, de pérenniser la mobilisation populaire autour de la construction démocratique. Le vote massif en faveur des Islamistes n’était pas seulement un vote protestataire. Les électeurs ont aussi applaudi des promesses, celles d’un taux de croissance de 7%, d’un SMIG à 3.000 DH, d’une revalorisation des salaires et de la création de 200.000 emplois par an. La crise actuelle trouve ses racines dans un contexte mondial, certes, mais en oubliant l’économie, en restant dans l’optique d’une compagne électorale perpétuelle, Abdelilah Benkirane et les siens commettent une erreur tragique. La crise s’approfondissant, la déception des populations se transformera en désaveu. Nous perdrions alors les bénéfices de l’année 2011 google english to malay