Interview « Nous devons aller plus loin dans le partenariat franco-marocain »
Mohamed El Kettani, PDG du2019Attijariwafa bank et co-pru00e9sident du Club des chefs d'entreprises France-Maroc

Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa bank et co-président du Club des chefs d'entreprises France-Maroc

Entretien réalisé par Mounia Kabiri Kettani

Le co-développement. Voici un nouveau concept qui pourrait transformer en profondeur le partenariat entre hommes d’affaires marocains et français. Mohamed El Kettani, qui co-préside le Club des chefs d’entreprises France-Maroc en est l’un des fervents défenseurs. Entretien.

L’Observateur du Maroc. Quel bilan faites-vous du partenariat économique franco-marocain ?

Mohamed El Kettani. Le partenariat franco marocain est historique et a atteint aujourd’hui un certain niveau de maturité. Maintenant, il faut capitaliser sur les acquis et la maturité de la relation économique, caractérisée par une dynamique de progrès permanent pour en faire un levier de redimensionnement régional de notre engagement commun. Il faut changer de lunettes pour mieux lire l’existence et ses multiples ressources de progrès, en particulier, parce que la crise financière et économique internationale bouscule à tout-va les référentiels. Dans cette configuration, il s’agit pour nous, opérateurs économiques, de tracer de manière volontariste les perspectives de co-développement entre les entreprises, d’identifier les nouvelles opportunités de croissance partagée, solidaire et responsable, et de nouvelles manières de travailler ensemble. Car, et nous le concevons tous, depuis qu’en 2008 nos économies se sont retrouvées en interrogation sur les effets de leurs politiques financières, l’exigence de responsabilité à l’égard des réalités tangibles des marchés devient un élément vital à nos engagements, et qu’il convient de réinstaller, plus justement, au cœur de nos décisions.

Quelles sont selon vous les nouvelles opportunités de croissance bilatérales entre le Maroc et la France ?

Parmi ces nouvelles façons de penser le partenariat franco-marocain: la co-localisation émergente entre les deux pays. Ce procédé conçoit les investissements directs étrangers en tant que créateurs de richesse et d’emplois, aussi bien dans le pays émetteur que dans le pays récepteur de l’investissement. Je pense au cas de Renault Tanger Med, levier de compétitivité du groupe Renault. Lequel développe ses ventes en Europe, tout en s’appuyant sur un faisceau d’équipementiers et de sous-traitants locaux. Je pense aussi à l’industrie aéronautique française (Safran, Matis) et qui permet la fabrication de certains éléments de la chaine de valeur ajoutée, tout en assurant un transfert de savoir-faire, et en s’appuyant sur les capacités d’ingénierie marocaines. De nouveaux métiers mondiaux du Maroc apparaissent, clairement lisibles, traduisibles en possibilités de croissance. Au diapason avec l’évolution de l’économie marocaine, le tissu industriel et économique a, avec les départements de tutelle du gouvernement, tracé de nouvelles feuilles de routes, maturé ses stratégies sectorielles et travaille actuellement pour livrer une feuille de route intégrée, intersectorielle, génératrice de nouveaux gisements de créations de valeurs. Nous devons aller plus loin, et capitaliser davantage sur le partenariat franco-marocain. Les réformes engagées par le Maroc dans le cadre des PPP dont le projet de loi est en cours de discussion, les nouveaux métiers mondiaux et les réformes engagées ouvrent de nouvelles portes pour le développement du couple Maroc/France. Il faudrait aussi tendre vers l’approfondissement de joint-ventures franco marocains pour saisir l’opportunité de l’intégration industrielle autour des projets structurants dans les domaines de l’énergie, du transport, de l’industrie automobile, de la chimie-parachimie, de la plasturgie mais aussi des médicaments.

Vous êtes de ceux qui sont convaincus que le Maroc peut devenir une plateforme de développement africain pour la France. Comment cela pourrait-il se traduire dans les faits ?

Il s’agit de promouvoir un partenariat de co-développement économique franco-marocain. Dans ce contexte international troublé, ce partenariat singulier devrait mieux chercher à combiner les forces respectives des opérateurs économiques pour pouvoir économiser des coûts de facteurs de production, de capacité en ressources humaines, d’innovation et de R&D dans l’objectif de bâtir de nouveaux avantages compétitifs, créer de la valeur aussi bien locale qu’à l’export et conquérir ensemble de nouveaux marchés. Les autoroutes de croissance prennent appui sur des acquis incontestables et des réalisations concrètes. Succès d’expériences communes en matière de PPP, démarrage d’expériences prometteuses en matières d’intégration industrielle, aussi bien dans les secteurs de l’aéronautique, de l’automobile ou encore dans le ferroviaire, utilisation fructueuse de la plateforme marocaine en tant que hub pour les échanges à travers les expériences réussies de Renault, de Safran… Maintenant, il faut co-investir en direction des pays subsahariens. Il nous appartient donc à présent de travailler ensemble pour enrichir le partenariat franco-marocain en lui donnant une dimension nouvelle tant au Maroc que dans la région. Je suis convaincu que nous saurons explorer ensemble de formidables opportunités de croissance et de création de richesses au Maroc et ailleurs.

Paru dans le n°211 de L’Observateur du Maroc лидер сип