Interview avec « L’Exécutif joue la facilité »
Hamid Chabat

Hamid Chabat, Secrétaire général du Parti de l'Istiqlal

Par Salaheddine Lemaizi

Très critique à l’encontre de la majorité dont son parti fait partie, Hamid Chabat l’est encore plus après l’annonce par Abdelilah Benkirane des dernières coupes budgétaires de l’investissement public.

L’Observateur du Maroc : L’Istiqlal envoie à chaque fois une volée de bois vert au gouvernement et critique vertement ses choix économiques. C’est le cas aujourd’hui, après l’annonce du gel d’une partie du budget qui était réservé à l’investissement public. L’Exécutif a-t-il réellement d’autres alternatives ?

Hamid Chabat : Bien sûr. En décembre 2012, nous avons soumis au gouvernement une série de mesures qui aurait pu permettre au Trésor public de récolter 8 milliards de DH et éviter d’en arriver à la situation actuelle. Hélas, la réponse de l’Exécutif était un communiqué sévère refusant nos propositions. On ne peut continuer à qualifier toute personne qui critique ce gouvernement de « crocodile » et de « diable » qui obéiraient à un « agenda politique caché ». L’Exécutif joue à la victime, alors que la vraie victime sera le peuple marocain si on continue sur chemin.

Concrètement, quelles sont les alternatives viables que vous proposez ?

Revoir la Loi de finances sans toucher au pouvoir d’achat des citoyens car la tension sociale est palpable. Ensuite, il ne faut pas que l’Exécutif joue la facilité. A chaque crise des finances, ce gouvernement veut hausser les prix ou les impôts. Ce n’est pas sérieux. Si c’est de cette manière qu’on gère les périodes délicates, pourquoi avoir même un gouvernement ? Sa mission première n’est-elle pas de mettre en confiance la population et les entreprises nationales ? Au lieu de cela, le gouvernement passe son temps à fustiger les entreprises et à les accuser de vivre de la rente.

Vous savez bien que la lutte contre l’économie de rente fait partie du programme gouvernemental…

Il s’agit plutôt de propagande que de réelles mesures. La vérité c’est qu’avec ses réformes, le gouvernement s’attaque au pouvoir d’achat des citoyens. Je cite comme exemple très parlant les impôts et le prix du sable qui sont en hausse. Même l’héritage et les terrains non bâtis ont été taxés. Qui paie au final ? Le simple citoyen.

Ces mesures ont été prises par un ministre des Finances qui est issu de votre parti. Expliquez-nous ce paradoxe.

Epargnez-moi les polémiques stériles. Laissez de côté le gouvernement, moi, je représente l’Istiqlal et mes positions sont politiques. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’une charte régit le rapport entre les composantes de la majorité. Sauf que je ne suis pas une chambre d’enregistrement où on passe pour me présenter des décisions déjà prises. Je suis un homme politique responsable, conscient de la difficulté, des attentes sociales et j’ai la capacité de répondre aux doléances de la population. Le peuple marocain a besoin d’un gouvernement fort, réactif et à l’écoute.

Le PJD accuse le gouvernement de Abass El Fassi (2007-2011) d’être responsable de cette situation économique. Qu’en pensez-vous ?

C’est tout simplement faux ! L’ancien gouvernement a laissé une situation économique assainie. Le déficit, les réserves de devises et l’inflation étaient équilibrés. Je demande à ce gouvernement de garder juste ces fondamentaux solides, sans plus. L’urgence aujourd’hui est de relancer la machine de l’économie. C’est ce que doit faire le gouvernement sans faux-fuyants.

La CDT et la FDT ont manifesté récemment pour protester contre le gouvernement. Que fera l’UGTM ?

Descendre dans la rue n’est pas une fin en soi. Nous demeurons attachés au dialogue avec ce gouvernement. Dommage que celui-ci ne donne pas d’attention au dialogue social. C’est là une grave erreur.

Pourtant, dès sa nomination, le Chef du gouvernement a reçu les centrales syndicales, y compris la CGEM.

Effectivement, pour prendre du thé et des gâteaux. Ces rencontres n’ont abouti à rien, si ce n’est à un échange d’amabilités. Le dialogue social, ce n’est pas du tout cela. Sans parler de l’accrochage que le chef du gouvernement a eu avec la CGEM, alors que ce regroupement emploie 4 millions de personnes. En sommes, le dialogue social est au point mort. Pendant ce temps, d’énormes problèmes gangrènent le tissu économique national. Or, personne au sein de l’Exécutif n’est capable d’apporter des réponses à ces questions brulantes. Ses membres laissent entendre que ces dossiers ne les regardent même pas. D’ailleurs la première erreur de ce gouvernement est de travailler sans disposer d’une Loi organique, réglementant son fonctionnement. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui chaque ministre dessine des règles sur mesure pour le recrutement dans les postes de responsabilité.

A l’Istiqlal, le remaniement est-il encore à l’ordre du jour ?

C’est même une question de principe et un point inévitable à traiter d’urgence. La priorité dans ce remaniement est d’en finir avec un département de l’économie à deux têtes. C’est anormal.

Paru dans le n° 212 de L’Observateur du Maroc translation from english to vietnamese google