Interview avec Abdelmalek Alaoui : « La décision du gouvernement relève au mieux de l'amateurisme…»
Abdelmalek Alaoui

En dehors de la sphère politique, la décision prise par le gouvernement de geler une partie du budget alloué aux investissements publics ne laisse pas indifférents les spécialistes de l’intelligence économique. C’est le cas de Abdelmalek Alaoui. Fondateur du cabinet de conseil en stratégie Global Intelligence Partners et président exécutif de l'Association marocaine d'Intelligence économique (www.amiecenter.org), ce dernier livre à L’Observateur du Maroc une analyse approfondie concernant cette « étonnante » décision.

Est-ce que la décision prise par le gouvernement de geler une partie du budget alloué à l'investissement vous semble judicieuse ou du moins intelligible ?

Je pense que vous posez la bonne question, qui est celle de la lisibilité d'une telle annonce , qui me semble plus important que le fait que cela soit judicieux ou pas.

En effet, le gouvernement est à la barre et sait donc s'il doit couper dans le vif des finances publiques. A ce titre, des décisions douloureuses doivent parfois être prises. Néanmoins, ceci n'exempt pas la nécessaire pédagogie qui doit accompagner ce type d'annonce. En tous cas, quel que soit le cas, cela relève au mieux de l'amateurisme, au pire d'un court-termisme alarmant.

Avez-vous été étonné par cette mesure ?

Sauf à imaginer qu'il n'y ait quelque plan miraculeux qui suivra, l'on ne peut qu'être dans l'expectative face à ce type d'annonce. A titre personnel, j'ai en effet été étonné, comme l'ont été la plupart des opérateurs, je pense, car rien ne laissait présager une coupe aussi drastique.

Quelle appréciation faites-vous du choix du timing pour l'annonce de cette décision ?

Il serait naïf de croire que le gouvernement n'a pas pesé l'effet que cela aurait sur l'opinion et la possible rétractation de l'économie qui résultera d'une telle mesure d'austérité. Peut-être faut-il y voir une volonté de donner un signal fort quant à la détermination du gouvernement à se serrer la ceinture, en prévision de réformes plus fondamentales et attendues, telles la décompensation. Cependant, je dois dire que le timing n'est pas totalement anodin, car l'on peut encore espérer un décollage de la croissance du fait de pluies, et donc un possible redémarrage de la machine…

Ne s'agit-il pas là d'un message inquiétant quant à la "santé" financière du Maroc ?

Les messages inquiétants se succèdent depuis plusieurs années sans que personne n'en prenne réellement la mesure. Le manque de convergence sectorielle, les fonds abyssaux auxquels s'est habitué notre déficit commercial, ainsi que l'absence de vision pour installer la croissance dans la durée sont autant de signaux précurseurs d'une dégradation profonde de notre économie. Peut-être que l'arrêt des dépense d'investissement agira, paradoxalement, comme un choc salvateur. Cette fois, un pansement sur une jambe de bois ne suffira pas, il faut trancher dans le vif et opérer le patient « finances publiques » sans attendre. Des mesures d'amortissement du choc existent du reste. Une amnistie fiscale doit être examinée à court terme.

Paru dans le n° 212 de L’Observateur du Maroc зарядные устройства для телефона