Le Pentagone exhorte le Sénat de rejeter toute critique contre la campagne saoudienne au Yémen

Un vote du Sénat pour mettre fin au soutien américain à l’Arabie saoudite pourrait causer de l’embarras pour l’administration Trump alors que le prince héritier Mohammed Bin Salman est en visite à Washington. Par Dion Nissenbaum

Le secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, a exhorté mercredi dernier les législateurs à rejeter une proposition bipartisane visant à mettre fin au sou- tien américain à la guerre controversée au Yémen qui a duré trois ans.

Dans une lettre adressée au chef de la majorité sénatoriale Mitch McConnell (R., Ky.), M. Mattis a averti que cette proposition saperait les intérêts américains au Moyen-Orient, mettrait en péril la coopération avec l’Arabie saoudite et augmente- rait le risque d’une guerre régionale avec l’Iran.

M. Mattis a lancé cet appel personnel dans le cadre d’une tentative agressive du Pentagone pour faire dérailler une résolution qui devrait être votée au cours de cette semaine. Une date qui coïncide avec l’arrivée du prince héritier Moham- med bin Salman à Washington pour rencontrer le président Donald Trump.

MBS, le jeune héritier du trône, de 32 ans, est considéré comme l’architecte de la guerre saou- dienne contre les militants houthis, soutenus par l’Iran, au Yémen. Rappelons que l’ONU a affirmé que les frappes aériennes de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite ont causé la mort de milliers de civils au Yémen, déclenchant des appels internationaux pour que les États-Unis cessent de soutenir le royaume.

Les États-Unis fournissent à l’Arabie saoudite des armes à haute précision et assurent le ravi- taillement en carburant des avions de chasse. Ce soutien a suscité des préoccupations biparti- sanes au sein du Congrès US, où de plus en plus de législateurs commencent à s’interroger sur le rôle des États-Unis.

Au cours de cette semaine, le Sénat américain pourrait voter une résolution co-signée par les sénateurs Mike Lee, (R., Utah), Bernie Sanders (I., Vt.) Et Chris Murphy (D., Connecticut), laquelle résolution invite M. Trump à mettre fin au soutien américain à l’Arabie Saoudite.

M. Lee a déclaré au Wall Street Journal que le soutien américain à l’Arabie saoudite alimentait un conflit régional sans un appui approprié du Congrès. Dans sa lettre s’opposant à la résolution, M. Mattis a fait valoir que la suppression du soutien américain serait contreproductive. «De nouvelles restrictions à ce soutien mili- taire américain limité, pourraient accroître les pertes civiles, et mettre en péril la coopération avec nos partenaires en matière de lutte contre le terrorisme, et surtout réduire notre influence sur les Saoudiens. Ce qui risque d’aggraver davantage la situation et la crise humanitaire» , poursuit M. Mattis dans la lettre, consultée par le quotidien américain The Wall Street Journal.

«Le retrait du soutien américain encouragerait l’Iran à accroître son soutien aux Houthis. Ce qui permettra de nouvelles frappes de missiles balistiques sur l’Arabie saoudite et menacera les voies maritimes vitales dans la mer Rouge, aug- mentant ainsi le risque d’un conflit régional» , avertit le Secrétaire américain à la Défense.

Les États-Unis et l’Arabie saoudite ont ren- forcé leurs liens depuis l’entrée en fonction de M. Trump. Les deux pays collaborent étroitement pour combattre les forces de l’État islamique dans toute la région, paralyser les combattants d’Al-Qaïda au Yémen, contenir les ambitions militaires de l’Iran et élaborer un nouveau plan de paix israélo-palestinien.

Le prince Mohammed arrive à Washington mardi (20 mars) pour rencontrer M. Trump et des hauts fonctionnaires américains. Un vote du Sénat pour mettre fin au soutien américain à l’Arabie saoudite pourrait causer de l’embarras pour l’administration Trump alors que le prince est en visite à Washington.

En effet, l’aide américaine à la campagne saou- dienne au Yémen a été une source de tension à Washington depuis le début. D’ailleurs, le président Barack Obama a offert un soutien limité à l’Arabie saoudite lorsque le pays avait lancé l’opération militaire en 2015. Mais il a suspendu la vente d’armes à haute précision. Il a également retiré ses conseillers militaires de l’Ara- bie saoudite juste avant de quitter son poste, en raison des préoccupations que le pays n’en faisait pas assez pour éviter des pertes civiles au Yémen.

Mais les Etats-Unis ont continué à ravitailler les avions de chasse effectuant les frappes aériennes. Ils ont, en outre, offert d’autres facilités à l’Arabie saoudite alors que les deux pays œuvraient pour cibler les combattants d’Al-Qaïda au Yémen. L’actuel président américain a repris la vente des armes technologiquement avancées à l’Arabie saoudite lorsqu’il a pris ses fonctions. Les forces militaires américaines sont également interve- nues pour fournir aux Saoudiens des services supplémentaires en matière de renseignement.

«Nous fournissons les renseignements néces- saires pour les aider à sécuriser leur frontière» , a indiqué un responsable militaire américain. « Nous ne sommes pas là pour vérifier les cibles de la coalition. Nous n’avons pas non plus l’intention de fournir un soutien offensif aux cibles».