Les salafistes sont-ils solubles en démocratie ?
Ahmed CHARAI

La question soulevée dans le titre revient de manière récurrente dans le monde arabe, surtout depuis les révoltes de ce que l’on a appelé le Printemps Arabe. Les événements en cours en Tunisie lui donnent encore plus d’acuité. « Ansar Achariaâ », le groupe salafiste le plus important en Tunisie, a imposé au gouvernement dirigé par des islamistes d’Annahda une épreuve de force qui met réellement en danger une stabilité déjà vacillante. La classe politique tunisienne, jusqu’à ce weekend, était partagée sur l’attitude à tenir face à ce groupe qui revendique 60.000 adhérents.

Les démocrates laïcs, s’appuyant sur les différentes violences imputées aux salafistes, à leur négation de l’Etat de droit, à leur tendance Takfiriste, réclamaient la plus grande fermeté. Ennahda, le parti islamiste majoritaire ainsi que quelques militants de droits de l’Homme, craignant les exactions du passé, étaient pour « un dialogue » en vue d’intégrer les salafistes dans le paysage politique. Cette ligne s’est effondrée. Ayant accusé les salafistes « de liens avec le terrorisme », le Premier ministre tunisien les a déclarés hors-la-loi et a envoyé les chars pour sécuriser Kairouan, puis pour disperser la manifestation de Tunis.

Soit dit en passant, Ben Ali n’a pas fait pire face aux manifestants de la révolution du Jasmin. Au-delà de cette confrontation, la Tunisie devra trouver une réponse à cette question, dans le respect de la légalité, mais aussi de la défense de la démocratie : Les salafistes sontils solubles en démocratie ? Les faits prouvent que non et donnent raison à ceux, comme feu Choukri Belaid, qui depuis toujours refusent leur intrusion dans le débat politique. La démocratie se construit autour de valeurs communes qui constituent un socle, consensuel, puis de règles qui permettent l’expression de toutes les sensibilités et enfin des institutions représentatives.

La pensée salafiste refuse en bloc toute cette organisation sociale. Elle rejette les législations, refuse le droit à la différence, veut uniformiser la société sans aucun droit pour les individus, légitime la violence comme méthode pour arriver à ses fins et utilise le « takfirisme » comme seule voie de « dialogue ». Par son contenu et ses objectifs, une telle pensée se met elle-même en dehors de la démocratie, avant même de commettre des actes de violence qui ne sont que la traduction « militante » de cette pensée. La Tunisie constitue un véritable laboratoire en ce sens. Au Maroc, c’est la ligne intégratrice qui paraît l’emporter. Depuis leur sortie de prison, les cheikhs de la Salafiya sont courtisés. Sauf qu’en reniant ce qu’ils avaient écrit en prison et qui représentait une auto-critique, parce que « le prisonnier n’est pas libre et que donc sa parole ne l’engage pas ». On ferait bien d’ouvrir le débat sur le fond, avant que les 0événements ne nous l’imposent translation english to farsi text