Allemagne: Scandale de corruption autour du droit d'asile

La justice allemande a annoncé vendredi enquêter sur des soupçons de corruption contre une cadre de l'organisme national de l'immigration, soupçonnée d'avoir favorisé plus de 1.200 demandes d'asile principalement de la minorité yézidie.

L'enquête qui vise six personnes au total a été ouverte à la fois pour "corruption" et pour "dépôt en bande organisée de demandes d'asile abusives", a indiqué à l'AFP la porte-parole du parquet de Brême, Claudia Kück, en charge des investigations.

Cette enquête dure depuis plusieurs mois mais n'a été révélée que vendredi, à la suite de nouvelles perquisitions cette semaine et de fuites dans la presse. Elle intervient alors que la chancelière Angela Merkel est régulièrement critiquée dans l'opinion pour avoir fait entrer plus d'un million de demandeurs d'asile dans le pays depuis l'été 2015.

Le porte-parole de la chancelière, Steffen Seibert, a parlé de "soupçons sérieux" visant principalement la directrice de l'antenne locale de Brême, dans le nord du pays, de l'Office fédéral allemand chargé de l'immigration et des réfugiés (BamF).

Il a aussi promis que "des conséquences seront tirées" le cas échéant au terme de l'enquête.

Parmi les autres personnes visées figurent au moins trois avocats spécialisés dans le droit d'asile, un interprète et ce que le parquet a qualifié d'"intermédiaire" entre les avocats et la fonctionnaire de l'Office de l'immigration, qui dépend du ministère allemand de l'Intérieur.

"Nous partons du principe que 1.200 dossiers" d'octroi abusif de droits de séjour à des demandeurs d'asile sont concernés par cette affaire, a précisé la porte-parole du parquet.

Mais la chaîne de télévision publique ARD et le quotidien Süddeutsche Zeitung affirment que le nombre pourrait atteindre au final environ 2.000 pour la période 2013 à 2017.

Sur ces dossiers, seulement 98 relevaient en réalité du ressort de la juridiction de Brême, la plupart des autres arrivaient d'autres régions. Les avocats soupçonnés dans cette affaire envoyaient donc directement leurs demandes, notamment mais pas exclusivement pour des Yézidis, à la directrice de l'antenne locale de l'Office de l'immigration.

La justice enquête pour savoir si la fonctionnaire a reçu en échange "de l'argent ou des invitations" au restaurant notamment, a souligné le parquet.

Elle aurait travaillé avec trois avocats qui lui envoyaient systématiquement les dossiers de demandeurs d'asile, principalement des Yézidis, venant de toute l'Allemagne.

"Des avantages auraient été octroyés mais l'enquête devra préciser leur nature", a expliqué la porte-parole du parquet de Brême.

Les Yézidis, minorité kurdophone d'Irak et de Syrie, ont fui en masse après avoir été persécutés par le groupe Etat islamique lorsqu'il a envahi en 2014 de larges pans de ces pays.

Cette minorité est adepte d'une religion pré-islamique, en partie issue du zoroastrisme. Ses membres ne sont ni arabes ni musulmans.

Le scandale n'est que le dernier d'une longue série pour l'office de l'immigration. Ce dernier a fait l'objet de nombreuses critiques pour sa gestion jugée chaotique de l'afflux de réfugiés dans le pays.

Il a dû passer au crible l'an dernier des dizaines de milliers de titres de séjour accordés à des demandeurs d'asile, après qu'un soldat allemand soupçonné de préparer un attentat eut réussi à se faire passer pour un réfugié syrien.

Source : AFP