ATTENTATS DU 16 MAI : 10 ANS APRES...

Le Maroc entier a été secoué par l’explosion du 16 mai 2003. Auparavant, le discours ambiant voulait que le Maroc, grâce à son Islam « tolérant », soit immunisé contre les dérives extrémistes. Sauf que, dans le quartier dont sont sortis les terroristes, on avait arrêté en 2002, des « princes du sang » qui, au nom de la religion, avaient assassiné des gens. « Princes » parce qu’ils avaient reçu l’allégeance de leurs complices.

La réaction a été multiforme. Des associations se sont crées, une grande manifestation nationale a eu lieu, une condamnation unanime, à la fois sociétale et politique. Dans ce contexte, les forces sécuritaires ont entrepris ce qu’elles ont présenté à l’époque comme la nécessite d’assécher les sources. Des centaines de jihadistes ont été alors arrêtés, jugés et condamnés. Y-a-t-il eu des abus ? Probablement, de  l’aveu même de l’Etat. D’ailleurs, plusieurs détenus, parmi les plus médiatisés, ont bénéficié d’une grâce royale.

Ce qui est moins médiatisé, c’est que depuis 2003, chaque année, les forces de sécurité démantèlent une moyenne de dix cellules à caractère terroriste. Exemple, à Khouribga, la cellule qui a été démantelée l’a été 24 heures avant de passer à l’acte et donc de commettre un carnage… Ensuite, des terroristes de la cellule Ryadi se sont fait exploser sans atteinte à autrui, parce qu’ils ont été découverts à temps. Enfin, l’attentat d’Argana à Marrakech est dans toutes les mémoires. Par ailleurs, des jihadistes marocains sont en Irak, en Syrie, au Mali. Des filières ont été démantelés, filières qui recrutaient, formaient et envoyaient ces jihadistes sur les terrains de combat.

Le 16 mai 2003, le Maroc s’est rendu compte qu’il était une cible pour le terrorisme international. Notre projet national est aux antipodes de la pensée régressive. Nos choix politiques, notre Histoire, celle d’un Etat musulman en dehors du califat, nous exposent à la vindicte des réseaux terroristes.

Mais le Maroc s’est aussi rendu compte qu’il produit du terrorisme, y compris à l’international puisque les auteurs des attentats de Madrid étaient Marocains. La pensée wahabite et les extrémismes religieux ont été mis à l’index. L’Etat a réagi en annonçant la réforme du champ religieux, autour de la commanderie des croyants.

Dix ans après, le bilan est très mitigé. Dernièrement, un penseur a fait l’objet d’appels au meurtre. Le conseil des Ouléma a appelé à la condamnation à mort des « apostats » et les réseaux jihadistes de recrutement des combattants continuent, surtout, à fonctionner, puisque la police en a découvert de nouveaux.

Il y a deux aspects dans cette affaire. Un aspect international qui n’épargne aucun pays. Mais aussi un aspect national, favorisé, non pas par la misère, comme le veut un certain discours, mais par la pensée wahabite qui réussit à influencer non seulement des mosquées, mais aussi des institutions, voire les programmes scolaires.

Cette décennie nous a appris que le Maroc pourra lutter contre le terrorisme en respectant ses choix démocratiques. La vigilance impose cependant de mettre hors-jeu, par le débat public, la pensée qui enfante le terrorisme. Parce que le risque zéro n’existe pas.

Paru dans le n°216 de L’Observateur du Maroc swedish english translator