Prostitution 2.0 Du virtuel au réel, il n’y a qu’un clic !

Le 24 avril 2013, 6 jeunes casablancaises sont condamnées à un an et demi de prison pour cyber prostitution. Il s’agit d’un réseau de prostitution virtuelle dont le local se trouve au quartier El Maârif à Casablanca. « Je recrutais les jeunes filles qui avaient besoin de travailler et leur apprenais à parler de façon «hot» pour faire craquer les clients », explique la gérante de ce petit local où de jeunes filles se dandinaient, vêtues de simples habits à froufrous sexy, face à une Webcam afin de faire chauffer le client qui est souvent à l’autre bout du monde. Selon les autorités, le réseau appartient à un français marié à une franco-marocaine qui gère tout depuis la France. S’agit-il d’un cas isolé ? Nul ne le sait.

En tout cas, ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux, ceux et celles qui utilisent le sexe via internet pour se faire de l’argent. Des hommes, même parmi ceux qui pensaient ne jamais avoir recours à des prostituées pour avoir du plaisir, se paient les services en ligne de quelques exhibitionnistes qui les chauffent moyennant, au moins, une carte de recharge téléphonique, voire du cash. Du virtuel au réel, il n’y a qu’un clic. Tout est négocié à distance pour un passage à l’acte sans malentendus. Sinon, le client se suffit de gestes bien hard qu’il téléguide à distance.

Les vendeurs et vendeuses de plaisir se touchent alors là où il leur est demandé de le faire pour être payés (es). Il s’agit, selon nombre de spécialistes, d’un véritable phénomène qui serait en passe de faire d’internet « le plus grand réseau mondial de prostitution». Surtout que, de plus en plus, la prostitution ne s’exerce plus sur les trottoirs mais dans les espaces d'Internet considérés moins risqués et surtout moins exposés aux interventions policières.

Un cercle vicieux

Elles sont étudiantes, sans emploi, ou encore jeunes actives. Elles ont besoin de financer un projet, de se loger ou sont désireuses de s’enrichir pour avoir un train de vie plus confortable. Elles décident alors de se tourner vers la prostitution en s’appuyant sur le réseau des réseaux. Le phénomène n’est pas nouveau, certes. Mais il a tendance à prendre de l’ampleur. Avec le développement des NTIC et surtout d’internet. La rencontre a lieu sur un chat où les deux interlocuteurs s’entendent sur le prix de la prestation avant de se retrouver quelque part.

La cyber prostitution touche les hommes et les femmes qui voient dans ce nouvel outil un moyen pour gagner de l’argent. « Tout a commencé il y a deux ans, lorsque mes copines et moi voulions essayer ma nouvelle webcam. C’est là qu’une amie nous propose de voir un Khaliji qu’elle vient de connaître à travers un site de rencontre. Deux jours après, j’ai eu la mauvaise idée de rentrer en contact avec lui. Cette fois-ci j’étais seule. Il me demande alors de me dénuder et de danser pour lui. Je ne refuse pas. Cette relation perverse dure depuis plusieurs mois et je n’arrive pas à m’en débarrasser. Il ne m’envoie jamais d’argent mais m’achète beaucoup de parfums, de vêtements…», témoigne Yasmine, 19 ans. Originaire de Settat et établie à Rabat pour ses études, cette étudiante se dit consciente de ce qu’elle fait, mais a du mal à se passer de son « commerce ». « J’ai beau vouloir arrêter, mais je n’arrive pas. Il est le seul à qui je me dénude. Personne n’est au courant de ce que je fais. En classe, je suis la jeune fille modèle, brillante, dont le premier souci est d’avoir de bonnes notes à l’école ». Mais alors, si, comme cela s’est passé pour d’autres, son secret est dévoilé un jour, que ferait-elle. A cette question, elle donne cette terrifiante réponse, sans réfléchir : « Je me suiciderai ». Et d’ajouter, le regard triste : « C’est un cercle vicieux ! ». Des histoires de jeunes filles, même encore mineures, qui se « vendent » sur internet, en passant à l’acte, Yasmine en entend tous les jours autour d’elle. Et elle est loin d’être mythomane.

Pour Said Milani, expert en nouvelles technologies, la prostitution virtuelle connait un nouveau développement avec l’explosion du web 2.0. «Le concept même des sites communautaires, forums et autres réseaux sociaux est précisément de permettre une libre interaction entre les personnes. Cette liberté est propice à l'offre discrète de services de prostitution sur ces sites, à l'instar des sites de rencontres ‘‘classiques’’ qui ne surveillent pas leur service. La libre interaction entre les internautes, l’absence ou le manque de contrôle des contenus faciliterait donc cette activité ainsi que la multiplication des réseaux », explique-t-il. Il souligne que ce nouveau phénomène de prostitution prend de l’ampleur, d’autant qu’il n’est pas nécessaire d’avoir son propre site. En effet, une simple conversation sur un chat avec une webcam peut suffire. C’est ainsi que des sites de rencontres deviennent des « trottoirs » virtuels où s’exercent, loin des regards indiscrets, le plus vieux métier du monde.

Confidence d’une prostituée bien connectée

Tous nos témoins directs et les spécialistes que nous avons contactés s’accordent à dire que ce sont les étudiantes qui se comptent parmi les e-prostituées. Qu’elles se suffisent de l’exhibitionnisme payant ou qu’elles passent à l’acte pour de vrai après avoir préparer le coup sur le web, ces jeunes internautes avancent diverses raisons pour se justifier. Le manque de moyen et le financement des études sont les arguments qui sont les plus souvent répétés. Certaines des filles concernées agissent en professionnelles, disposant de comptes bancaires et de clients fidèles. L’une d’elle a accepté de se confier à L’Observateur du Maroc. « Avant, je me montrais comme le demandais le client et espérait avoir mon dû après coup, sauf qu’il y a trop de tricheurs. C’est pour cela que je me fais payer d’avance et ça marche », aiguerie, la jeune

étudiante parle désormais en spécialiste de la cyber-prostitution. Elle va plus loin, ne se gênant plus d’aller à la rencontre de ses clients. Elle dit même accorder des rabais pour « les plus fidèles et les plus corrects ». Et d’ajouter : « La concurrence n’est pas très importante et les gens ne connaissent pas bien cette méthode encore », souligne-t-elle en jubilant. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’à la moindre faille de sécurité des sites qu’elle fréquente, elle pourrait devenir, malgré elle, une « vedette nationale du porno ».

Selon Bouchaib Karroumi, psychosociologue, la plupart des cyber-prostituées ont  du mal à s’avouer prostituées tout court. « Ces jeunes filles jugeraient facilement une prostituée trouvée sur leur chemin parce qu’elles ont du mal à s’assumer et à reconnaitre qu’elles sont également dans la même situation, sauf qu’elles le font en cachette », affirme Karroumi. Selon ce dernier, ce qui est nouveau aussi, c’est l’arrivée dans ce domaine de très jeunes filles qui n’auraient certainement pas eu recours à cette activité sans le net. « La plupart de ces jeunes filles sont de nature timide et ne pratiqueront jamais la prostitution au vu et au su de tout le monde. L’utilisation d’internet leur permet de franchir le cap et de se cacher derrière une fausse identité pour arriver à leurs fins », ajoute le psychosociologue. Il précise que dans la plupart des cas, il n’y a pas un phénomène de prostitution spécifique mais un phénomène occasionnel, souterrain, clandestin favorisé par le web.

Jeu dangereux

Dans son livre autobiographique

Etudiante, 19 ans, job alimentaire : prostituée, Laura D., jeune étudiante qui s’est essayée à la prostitution en France révèle des vérités à méditer. « Je me sentais protégée derrière l’écran, mais c’était un leurre, car au rendez-vous, j’étais toute seule et personne ne pouvait m’aider » écrit-elle. En effet, Internet isole.

La discrétion tellement désirée peut se transformer en véritable cauchemar dans certaines circonstances. « Les filles sont livrées à elles-mêmes, personne dans leur entourage n’est au courant de leurs agissements. Dans la rue, les prostituées ont au moins le bénéfice de se connaître et de s’entraider entre elles. Elles savent où et avec qui elles sont », explique le psychosociologue. De son côté, la société civile s’insurge contre ce qu’elle considère déjà comme un « vrai fléau social ». Pour Faouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique pour les droits de la femme, la cyber-prostitution gagne du terrain parce qu’il n’y a pratiquement pas de contrôle de la police.

Bluetooth, Badoo, Paltalk…

Sur Internet, réseaux sociaux et sites de rencontre peuvent être utilisés dans le domaine de la prostitution réelle ou virtuelle. Les smartphones ont davantage facilité les contacts. Activer le Bluetooth de son téléphone mobile, mettre le prénom et le numéro en guise de nom du Bluetooth, se diriger vers le meilleur café d’un coin chic et le tour est joué. Les hommes activent également le leur, recherchent les périphériques et tombent sur la perle rare. Si le contact n’est pas établi à l’instant même, le couple « nouvelle technologie » se parle, fait connaissance par téléphone avant de passer à l’acte. Avec, en prime, des communications gratuites via  Viber, Skype, Tango…

A titre indicatif, sur le site de rencontres Badoo, 600.000 marocaines sont inscrites. Le chiffre est encore plus important sur Paltalk, un salon de chat sur le web. C’est sûr que c’est une partie des utilisateurs qui utilisent ces plateformes pour autre chose que communiquer. Les Moyen-Orientaux semblent être la cible privilégiée des vendeurs et des vendeuses de leur corps

Siham, 21 ans

Au fond de moi, j’assume ce que je fais. Je me prostitue par internet pour payer mes études. De toutes les façons, je suis encore vierge.

Youssef, 28 ans

Ne croyez-pas que seules les filles peuvent se dénuder face à une webcam. Les garçons le font aussi. Certains ont beaucoup de succès surtout avec les femmes un peu âgées. Je fais cela avec mes connaissances, mais je refuse d’être payé. C’est juste un trip, un fantasme de sentir que l’on est admiré. Mais c’est un secret que je garde au fond de moi. D’ailleurs, je ne m’aventure pas avec n’importe quelle femme.

Salma, 18 ans

J’ai été surprise en flagrant délit devant ma webcam par ma mère. Du coup, elle a piqué une crise et n’arrive toujours pas à croire que sa propre fille peut faire chose pareille. Résultat, je suis privée de PC, mais j’ai toujours mon Smartphone

Meriem, 26 ans

Je suis accro au cybersexe. Je veux tellement me débarrasser de cette chose-là mais je n’y arrive toujours pas. Je n’en peux plus. Ça m’a isolé du monde et m’a touché à tous les niveaux. Le pire, c’est que je ne peux en parler à personne. Ma famille me tuerait si elle apprenait ce que je fais. как продвигать сайт в яндексе