Les entreprises européennes commencent à se retirer de l’Iran

De Total à Maersk, les entreprises européennes réagissent aux avertissements de Washington suite à la décision de réimposer d’importantes sanctions américaines contre Téhéran d’ici la fin de l’année.

Par Benoit Faucon

Les entreprises européennes ont commencé à retirer leurs investissements et à renoncer à leurs engagements en Iran. Et ce, en réponse à la décision américaine de réimposer de vastes sanctions sur Téhéran d’ici la fin de l’année.

Le géant pétrolier français Total SA a déclaré, mercredi, qu’il ne mènerait pas à terme un grand projet gazier. Le groupe français a averti qu’il pourrait même abandonner complètement son plan d’investissement de 1 milliard de dollars dans le secteur. Plusieurs transporteurs du pétrole iranien ont annoncé leur décision de cesser leurs activités en raison des nouvelles sanctions. Les compagnies d’assurance sont en train de revoir leur politique. Ce qui risque d’impacter considérablement la possibilité d’assurer les cargaisons du pétrole iranien.

L’Iran, qui est le cinquième plus grand exportateur de pétrole au monde et le détenteur de la deuxième plus grande réserve de gaz dans le monde, a été considéré comme une énorme opportunité d’investissement pour les entreprises opérant dans le secteur.

Mais l’avant dernière semaine, les Etats-Unis ont annoncé leur retrait d’un accord selon lequel les sanctions contre l’Iran doivent être progressivement levées en échange d’une limitation de son programme nucléaire.

Les alliés européens ont déclaré qu’ils n’allaient pas se retirer de l’accord ni adopter de nouvelles sanctions. Cependant, de nombreuses entreprises européennes – liées aux entreprises ou banques américaines - risquent d’être soumises à l’application des sanctions imposées par Washington. En effet, les responsables de l’administration Trump ont publiquement averti les entreprises européennes de commencer à réduire leurs opérations, leur accordant, tout de même, plusieurs mois pour quitter l’Iran.

En réponse, le ministre iranien du Pétrole, Bijan Zanganeh, a accusé le président américain Donald Trump d’œuvrer pour favoriser les producteurs de pétrole américains avec la complicité des pays concurrents, membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).

Total a indiqué dans un communiqué sur ses activités iraniennes que les banques américaines sont impliquées dans 90% des opérations du financement du groupe alors que 30% de ses actionnaires sont Américains. « Total a toujours été clair qu’il ne peut se permettre d’être exposé à une sanction secondaire. Ce qui pourrait conduire à la perte du financement en dollars par les banques américaines pour ses opérations mondiales », précise le communiqué.

Le français Total a ainsi annoncé le 16 mai qu’il se retirerait de la République islamique si les Etats-Unis ne lui accordent pas une dérogation pour continuer ses activités sur place. Total est devenu le plus gros investisseur dans le secteur de l’énergie en Iran au cours des deux dernières années depuis l’allègement des sanctions.

Ces derniers jours, le groupe énergétique allemand Wintershall AG, a dit s’inquiéter de ne pouvoir trouver les financements nécessaires à ses projets pétroliers en Iran. Et ce, en raison de la forte présence de BASF, sa maison mère, sur le sol américain. Le porte-parole de Wintershall a affirmé que le groupe se conformait strictement « à toutes les lois et réglementations nationales et internationales ».

En ce qui concerne le transport maritime, Maersk Tankers AS, l’une des plus grandes compagnies de transport de pétrole au monde, a déclaré qu’elle n’accepterait plus de nouvelles commandes de livraison de pétrole iranien. Le groupe danois a également indiqué qu’il allait liquider les commandes existantes début novembre, date limite fixée par Washington pour le retour des sanctions pétrolières, a annoncé mercredi le porte-parole de l’entreprise.

Torm AS, un autre pétrolier danois, a également « arrêté de prendre de nouvelles commandes en Iran à la suite de l’intention américaine de réimposer des sanctions contre Téhéran », a déclaré le porte-parole de l’entreprise.

Les compagnies d’assurance surveillent également de plus près la nouvelle souscription d’assurances. Les sanctions américaines « vont avoir un impact considérable sur la disponibilité » d’assurer les cargaisons de pétrole iranien, avertit Andrew Bardot, le directeur exécutif de l’International Group of Protection & Indemnity Clubs, basé à Londres.

Et M. Bardot d’ajouter que le groupe - un pool de réassureurs couvrant environ 90% du tonnage mondial, y compris les pétroliers - est en pourparlers avec le gouvernement américain en vue d’atténuer l’impact du retour des sanctions américaines sur l’assurance du pétrole iranien.

Sarah Kent à Londres a contribué à cet article.