L’experte espagnole María Carrasco* : « L’Espagne doit lutter au sein de l’UE pour aider le Maroc à gérer les flux des migrants »
Malgru00e9 les opu00e9rations de sauvetages, nombreuses, la Mu00e9diterranu00e9e reste un cimetiu00e8re flottant.

 

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Comment l’Europe peut-elle régler le problème de l’immigration?

María Carrasco : L’Europe doit renforcer les contrôles aux frontières extérieures, en affectant des fonds et des ressources supplémentaires à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. En plus d’un plus grand nombre de navires et d’hélicoptères, plus d’investissements sont nécessaires dans les technologies de sécurité.

La formation et l’échange de bonnes pratiques sont également essentiels. Par conséquent, nous devons établir un nouveau partenariat avec l’Afrique qui prenne en compte non seulement les défis, mais aussi les grandes opportunités de croissance de ce continent.

En outre, nous devons partir d’une diplomatie économique solide, avec plus d’investissements dans les infrastructures, les transferts de technologie, l’efficacité des ressources et le savoir-faire industriel. Il faudra également se concentrer sur la formation, la mobilité légale, l’octroi des bourses pour les étudiants, et les chercheurs africains.

Dans ce même contexte, des accords de rapatriement plus efficaces doivent être définis. Et créer, en partenariat avec les agences des Nations Unies, des abris, des garanties de sécurité, une assistance médicale, la fourniture de nourriture et l’application des normes liées au droit d’asile ou au rapatriement.

La perception de la migration est, dans une large mesure, négative, en raison de la crainte que les coûts et les avantages ne soient répartis de manière inégale, c’est-à-dire que les migrants «suppriment» des emplois ou exercent une pression à la baisse sur les salaires. C’est en tout cas le discours exploité par l’extrême droite et qui est en plein essor en Europe. Cependant, les preuves montrent une image plus nuancée et nous devons éduquer la population de ce point de vue. La migration peut entraîner une augmentation du taux de croissance du PIB dans les pays de destination, une hausse des salaires des migrants et une augmentation des avantages indirects des envois de fonds pour les pays d’origine.

L’immigration est-elle bonne ou mauvaise pour les économies européennes ?

Les migrants comblent les lacunes sur le marché du travail et dans la mise à disposition des connaissances, de manière à renforcer la compétitivité et la croissance. La migration est bénéfique pour les pays confrontés à une réduction de la population en âge de travailler et pourrait également aider à résoudre les problèmes posés par l’augmentation de la population jeune dans certains pays de la région. Le premier groupe de pays est générateur de demande, tandis que le second groupe pourrait être un centre dynamique offrant de la main-d’œuvre, à condition que l’aptitude de celle-ci soit adéquatement développée. En résumé, la migration est bénéfique pour tous si elle est gérée correctement.

Comment l’Espagne et le Maroc peuvent-ils coopérer pour trouver des solutions ?

La coopération entre l’Espagne et le Maroc est déjà excellente. Pour la ren- forcer davantage, il faudrait continuer à travailler sur les relations bilatérales et l’échange des flux d’information.

En outre, l’Espagne doit lutter au sein de l’UE pour aider le Maroc à gérer les flux des migrants qui, en raison du contrôle exercé sur ses frontières, s’installent déjà dans le territoire marocain, qui devient une destination au lieu d’un pays de transit avec la multiplication des coûts que cela implique. Le Maroc fait un énorme effort pour honorer loya- lement sa coopération avec l’Espagne sur l’immigration. Il le fait loyalement et sans trop recevoir en retour. Il est

du devoir de l’Espagne d’engager un débat sérieux avec ses partenaires euro- péens pour que cette collaboration soit dûment reconnue.

Propos recueillis par Ana Domingo