Et on Patti de bonheur
Patti smith

Le 19e Festival de Fès des Musiques sacrées du Monde a pris fin dans la nuit du samedi 15 juin 2013. Un set pluriel et différentiel, un acquis incontestable pour une ville qui règne en reine quelques jours par an. L’apport est, indéniablement, porteur. Reste le reste.

Le festival fonctionne, depuis sa création, comme une évolution dans le ton. Il est unique et a peur des disfonctionnements apparentés à la dyslexie. Jusqu’ici, le verbe est ferme, le phrasé est contrôlé, le lyrisme est probant. Devrions-nous nous tenir à cet étalage de bonnes intentions ? Non et que non pas. Sinon, nous ferons du mal à une manifestation que nous aimons tant, que nous accompagnons avec un cœur gros comme ça. Le Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde est, depuis longtemps, un incontournable rendez-vous mondial. Ses instigateurs, Faouzi Skali à leur haut de forme, en sont conscients et ne l’exploitent pas assez. A commencer par ce forum unique où il est question des outrageuses postures de la Mondialisation. Ce que le forum du festival a transformé en débats d’idées à l’échelle universelle n’est relayé que lorsque ses intervenants étrangers en parlent à voix basse en rentrant chez eux. Ce qui se dit à Fès comme cela est de

coutume et autrement à Essaouira lors des Andalousies atlantiques est définitivement unique au monde. Notre vieux pays, juché sur des branches où la tolérance est maîtresse, pousse au dialogue, à la compréhension, au respect intransigeant. Ce qui, pendant cette 19e édition, n’a pas été totalement respecté. Chantant devant un public acquis et assoiffé d’elle, la Syrienne Assala Nasri, produite en formule réduite, quitte la présence en pleine chanson, sans rien formuler. Heureusement qu’en clôture, une Américaine, d’un coup d’éponge, a redonné du punch à un public qui paye pour se sentir bien et –surtout- considéré. Cette femme que la vie n’a pas gâtée sentimentalement se nomme Patti Smith. Poétesse, chanteuse, musicienne, peintre et photographe, adepte et actrice du mouvement Beat (Kerouak, Bowles et autres) fond les cœurs dès qu’elle se met à déclamer au lieu de chanter comme le font la plupart de ses contemporains. Cette jeune artiste de 67 ans a démarré sa carrière solo en 1975 sous la houlette de John Cale du mythique Velvet Underground. L’album, «Horses» -son premier-, s’ouvre sur une reprise diabolique de «Gloria» de Van Morrison, précédée de l’aérien «In Excelsis Deo» où Jésus est proclamé. Sa carrière se confond avec sa personne, militante et aimante. A Fès, elle réussit le pari bouleversant de séduire ceux qui ne l’ont jamais vue, qui n’ont jamais eu vent de son existence. Ici, nous phrasons d’une femme qui porte la spiritualité et le sacré en elle depuis qu’elle a décidé de «venir en aide» à une existence de malmenés. A Fès, elle se produisait pour la première fois «in Morocco!», comme elle l’a dit en clôture de son mémorable concert. Dedans, grand cœur et sincérité prenaient le dessus. Mais ce festival a fourni d’autres moments troublants (le groupe multicolore El Gousto, la Mauritanienne Coumbane Mint Ely Warakane, le concept Canstantinople-Istanbul, Paco de Lucia) et pas forcément positifs. Hormis ceux-ci, les ambassadeurs des contrées plus ou moins lointaines comme les Mongoles, les multiples Espagnoles et autres Mauritaniens, il y a eu du faux. Faux en fabrique de programmation. Pensons-nous à Aïcha Redouane, égale à elle-même, c’est-à-dire incompréhensible, se débattant dans une bulle étrange et à la dilatation ample. Les Musiques Sacrées du Monde ont fait et défait certes, mais une composition en matière de programmation est de tout temps compliquée. Seulement, pourquoi l’organisation qui brime les journalistes sensés rendre compte du déroulé a le mot dernier et provocateur ? Et, une fois de plus, les collègues étrangers étaient aux premières loges dans tous les sens de ce malheureux terme. Dommage pour ce pays, «Royaume aux mille royaumes» сопровождение сайтов