Rabat-Madrid : Une coopération nécessaire

Article publié par Ahmed Charaï dans le quotidien espagnol La Razon de ce vendredi 3 août 2018

Lors de la cérémonie de la fête du Trône, un élément a attiré l’attention. Deux anciens responsables espagnols, l’ancien Premier Ministre Zapatero et l’ancien Ministre des affaires étrangères Moratinos étaient des invités d’honneur. Fait unique, sur le plan protocolaire, le Roi les a reçus en audience en pleine cérémonie.

Ce n’est pas un hasard, loin de là. C’est sans doute la signification d’une relation intense entre les hommes concernés, mais surtout entre les deux pays.

Le Maroc et l’Espagne, comme tous les voisins, sont liés par une histoire complexe, où tout n’a pas toujours été pacifique. Mais de ce tumulte de l’histoire est resté un rapprochement culturel, humain. Plus personne ne conteste l’apport mauresque en Andalousie. Cet apport est marocain, parce que c’est le seul pays qui est dans le continuum d’un Etat, un empire, indépendant du califat central.

Ces éléments d’histoire sont très importants, mais ils ne sont pas décisifs pour comprendre la situation actuelle. Celle-ci relève de la géo-politique et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle condamne les deux partenaires à l’excellence.

En effet, le Maroc et l’Espagne, au-delà des échanges économiques, qui sont importants pour les deux pays, doivent co-gérer des questions comme l’émigration clandestine, le terrorisme transnational, la liberté de navigation dans le détroit de Gibraltar.

C’est la cohérence des accords entre le Maroc et l’Espagne qui a permis de diminuer le flux de l’immigration clandestine des candidats africains vers l’Europe. Le flux s’est dirigé ailleurs, vers la Lybie par exemple, dans sa majorité, mais pas dans sa globalité.

Rabat a accepté de bloquer à ses frontières Nord, mais en même temps, parce que le Maroc est un pays africain, qui revendique cette dimension, les autorités ont été obligées de gérer la situation des Immigrés clandestins qui restent bloqués au Maroc. Ils ont désormais droit à la régularisation, aux soins médicaux, à la scolarisation de leurs enfants. Ils sont, déjà, 40 000 à bénéficier de ce statut.

Cela a un coût, et il est normal que l’Europe y participe puisque le Maroc n’a pas vocation à faire le gendarme du vieux continent. Rabat, par dignité, par respect de l’ancrage historique, n’en fait pas un moyen de pression.

Le terrorisme est un point plus lancinant. La coopération entre Madrid et Rabat est remarquable. Le nombre de cellules qui lient le Nord du Maroc, Sebta et Melilia, l’Espagne, qui ont été démantelées est impressionnant. Cette coopération est une vraie réussite, que les observateurs considèrent comme ‘’normale’’. Elle n’est acquise qu’à partir d’un certain niveau de confiance.

Enfin il ya le trafic de drogue, où la lutte conjointe obtient d’excellents résultats, même si les trafiquant ont trouvé d’autres routes.

Ces questions sont vitales pour les deux pays. Au-delà des tensions occasionnelles, elles font de l’axe Rabat-Madrid, l’axe structurant des rapports entre le Nord et le Sud de la Méditerranée.

La profondeur historique, la communauté d’intérêt, imposent une proximité encore plus forte.